mercredi 27 mai 2009

Manger cru : La solution anti-AGE

Alors que l’on s’inquiète à juste titre des pollutions induites par les multiples produits chimiques qui nous entourent, on oublie que le simple fait de mélanger et de cuire ses aliments est une façon comme une autre de fabriquer des produits chimiques. Et ce n’est pas parce qu’on est chimiste sans le savoir comme Mr Jourdin faisait de la prose que ce qui sort de la casserole est inoffensif. En effet, la réalité est tout autre. Qu’elle soit de haute volée ou de bas étage, délicieuse ou quelconque, maison ou industrielle, bio ou pas la cuisine, c’est toujours de la chimie et les conséquences pour l’organisme ne sont pas anodines.

On sait depuis fort longtemps qu’il se produit des réactions chimiques lors de la cuisson des aliments mais ce n’est que récemment que la science a commencé à s’y intéresser, soit pour rechercher de nouvelles saveurs et composer de nouvelles recettes, soit pour identifier et prévenir les dangers de la cuisson. Passons rapidement sur les premiers, plus préoccupés de flagorneries gastronomiques que de santé publique et attachons nous à ce que nous apprennent les seconds. Des découvertes majeures et inquiétantes sur les composés chimiques induits par la cuisson ont en effet amené les pouvoirs publics, que ce soit en Europe, aux Etat-Unis ou au Canada, à lancer de vastes programmes de recherche. Il en ressort que les réactions chimiques lors de la cuisson, communément réactions de Maillard du nom du chimiste qui a été le premier à les étudier au début du 20ème siècle, sont nombreuses et complexes. Ainsi le programme HEATOX, initié par la commission Européenne en 2003, a-t-il permis d’identifier plus de 800 composés chimiques issus de ces réactions.

Les furanes
Parmi ces composés il y a d’abord les furanes dont on connaît la présence dans les aliments cuits depuis les années 70. Leurs mécanismes de formation n’ont été élucidés que récemment. Une étude publiée dans l'édition d'octobre 2004 du Journal of Agricultural and Food Chemistry démontre comment les aminoacides et les sucres alimentaires se décomposent et se transforment en furanes lorsqu'ils sont chauffés. D'autres composantes alimentaires, telles que la vitamine C et les acides gras polyinsaturés, sont aussi susceptibles de produire des furanes, sous-produits non désirés résultant de la cuisson, de l'embouteillage ou de la mise en conserve de produits alimentaires. Aromatiques et volatiles les furanes sont des composants significatif du goût et de l’odeur du café, du chocolat, et de nombreux plats cuisinés
Les furanes sont des toxiques pour l’organisme. Ils provoquent des maladies de la peau comme la chloracnée, des troubles hépatiques, un affaiblissement du système immunitaire, de l’appareil endocrinien et des fonctions de reproduction. On leur attribue aussi des effets sur le développement du système nerveux ainsi que certains cancers.

L’acrylamide
Il y a ensuite l’acrylamide dont la présence a été signalée en 2002. Il se trouve que ce composé est utilisé industriellement pour la fabrication des plastiques, des cosmétiques et pour le traitement des eaux. Il est considéré comme un toxique dangereux (mutagène, génotoxique et cancérogène). Sa présence dans les aliments cuits est préoccupante car les concentrations sont de l’ordre de 100 à 1000 fois supérieures à celles admises pour son usage dans l’industrie. On le retrouve principalement dans les aliments grillés à haute température comme la croûte du pain, les biscottes, les biscuits, les frites, les chips, le café, etc. C’est la découverte fortuite de ce composé par une équipe suédoise qui a déclenché la décision de lancer le programme HEATOX en 2003.

Les A.G.E
Il y a aussi les A.G.E dont les effets néfastes sur l’organisme ne sont connus que depuis le début des années 2000. Ils regroupent toute une gamme de molécules issues de réactions chimiques entre les glucides et les protéines lors de la cuisson. Etant donné que la plupart des aliments contiennent des glucides et des protéines, les A.G.E sont présents dans presque tous les plats cuisinés, et en quantités souvent considérables. Les réactions chimiques entre glucides et protéines sont complexes. A basse température, c’est-à-dire jusqu'à une température équivalente à celle du corps, elles sont partielles et les composés de glycation obtenus peuvent être démontés par la cellule lorsqu’ils y pénètrent. Aux températures habituelles de cuisson en revanche, ces réactions forment des molécules indémontables qui s’accumulent dans la cellule et en perturbent le fonctionnement jusqu’à l’étouffer. On parle alors de produits terminaux de glycation (P.T.G) ou, dans la langue de Shakespeare, « Advanced Glycation End-product » d’où leur nom. Les AGE s’accumulent aussi dans les espaces intercellulaires perturbant ainsi les échanges entre cellules. Transportés par les vaisseaux sanguins, du fait de leur forte réactivité, ils se soudent ensemble dans un processus connu sous le nom de liaisons croisées. Au fur et à mesure que les protéines glyquées tissent des liens croisés, les tissus de l’organisme deviennent de plus en plus raides et durs. La glycation endommage des organes comme le cœur, les yeux ou la peau qui ont besoin de flexibilité pour fonctionner de façon optimale. Elle est maintenant reconnue comme étant l’un des principaux facteurs du développement de nombreuses maladies du vieillissement incluant l’athérosclérose, l’insuffisance cardiaque, la maladie d’Alzheimer, les complications du diabète, la formation de la cataracte ou le vieillissement cutané prématuré.

Et ceux qu’on ne connaît pas encore
La cuisson et ses conséquences sur la santé sont un vaste sujet d’étude scientifique que la première phase du programme HEATOX (2003-2008) n’a fait que déflorer. La deuxième phase qui vient de commencer (2008-2013) va défricher de nouvelles zones d’ombre, identifier d’autres classes de molécules, évaluer les impacts sanitaires de la cinquantaine de molécules identifiées lors de la première phase que l’on suspecte d’être toxiques d’après leur structure moléculaire.

Une réalité incontournable
La cuisson présente donc de nombreux inconvénients difficilement évitables. Néanmoins, chaque fois que ses effets malencontreux ont été découverts, l’ingéniosité des chimistes et des biologistes a été mise à contribution pour rechercher des solutions de contournement … sans mettre en cause le principe même de la cuisson : Blanchiment des pommes de terre, friture sous vide, rapport huile/pomme de terre dans des friteuses, durée accrue de fermentation avec levure et conditions de cuisson pour le pain, additifs exhausteur de goût pour compenser les effets de la baisse des températures de cuisson, enzymes génétiquement modifiés ajoutées aux préparations, médicaments ou compléments alimentaires anti-A.G.E, etc. Mais aucune de ces solutions ne permet de résoudre efficacement ne serait-ce qu’un seul des problèmes précité.

Manger cuit nuit à votre santé
En l’état actuel de nos connaissances, il apparaît que la cuisson induit des désordres dont les effets à moyen et long terme peuvent être comparés à ceux du tabac. L’intoxication n’est pas immédiatement létale et ne provoque que rarement des malaises mais les conséquences se font progressivement sentir avec l’âge : Courbatures, fatigue physique, insomnies, mal au dos, mal au ventre, digestions difficiles, prise de poids, etc., jusqu’à l’apparition de pathologies lourdes : maladies cardio-vasculaires, obésité, diabète, cancer, embolie pulmonaires, etc.
Sans le système de santé ultra-performant dont nous disposons aujourd’hui, les conséquences seraient catastrophiques. Beaucoup de personnes dans la soixantaine lui doivent d’être encore en vie. Mais ce système de santé qui a permis une augmentation spectaculaire de la durée de vie coûte cher, de plus en plus cher au point que sa pérennité à moyen et long terme est de plus en plus compromise en cette période de crise. Sous peine d’assister à un tassement, voire un recul de l’espérance de vie, il faudra impérativement trouver d’autres voies pour prolonger la vie que les thérapies hospitalières sophistiquées et les traitements médicamenteux qui pèsent lourdement sur les comptes de la sécurité sociale. L’adoption d’un mode de vie plus harmonieux et une alimentation adaptée aux besoins de l’organisme, dépourvue de toxiques en tout genre font partie de ces voies à explorer.