mercredi 26 décembre 2012

Etude Nutrinet : Les français ne mangent pas assez de fibres

«On ne mange pas assez de fibres», «Il faut manger des fibres.» Mais que sont ces fibres dont on parle tant dans les forums, les magazines, jusque dans la publicité ? Encore tout récemment, le 22 novembre dernier à l’occasion d’une conférence de presse organisée pour les trois ans et demi de l’étude Nutrinet, le professeur Serge Hercberg et le docteur Mathilde Touvier ont confirmé que les français n’en consomment pas assez. 

Les fibres alimentaires, c’est quoi au juste ?

Soyez rassuré, le fait qu'un légume soit filandreux n'a rien à voir avec le fait qu'il contienne, ou non, des fibres alimentaires. Un des aliments les plus riches en fibres que l’on puisse trouver est … l’avocat, suivi de près par la framboise. Inutile donc de vous forcer à avaler des poireaux ou des asperges coriaces pour faire le plein de fibres. Les fibres alimentaires sont des bouts de cellules de végétaux qu’on ne digère pas, parce que nos enzymes de la digestion, c'est-à-dire les protéines qui cassent nos aliments en petits bouts pour les faire passer dans notre sang, ne parviennent pas à les attaquer. Ces morceaux de cellules microscopiques arrivent intacts dans le gros intestin. Ils proviennent soit de la paroi des cellules végétales (cellulose, hémicellulose, pectine, lignine) soit de l'intérieur de la cellule. Dans le premier cas, ce sont des fibres insolubles, qui restent solides dans l’intestin. Dans le second cas, les fibres peuvent se dissoudre dans l'eau pour former une sorte de gel. Ce sont des fibres solubles. Ces deux types de fibres sont présents en proportions variables dans les aliments. L’aspect gluant des algues vient de ces fibres solubles. Si vous mettez à tremper des graines de lin dans un peu d’eau, au bout de quelques heures vous constaterez que l’eau s’est gélifiée. Cela est dû à la présence de fibres solubles en grandes quantité dans la graine de lin. De leur côté, les fibres insolubles absorbent l’eau en prenant du volume. Si vous mettez à tremper des lentilles, elles vont littéralement pomper l’eau et doubler de volume du fait de la présence massive de ces fibres insolubles.
L’industrie agro-alimentaire utilise largement les fibres solubles notamment comme épaississant mais elle n’est pas la seule. L’industrie cosmétique aussi d’en sert, de même que l’industrie pharmaceutique.

Pourquoi manger des fibres ?

Fibres insolubles et fibres solubles ont chacune leur utilité. Les premières contribuent à prévenir la constipation en augmentant le volume des selles et en réduisant la durée du transit, tandis que les secondes forment une sorte de gel qui protège la paroi de l'intestin et l'empêchent d'absorber des substances nocives. Elles freinent l'absorption de la graisse et du sucre, ce qui en fait un aliment recommandé contre les maladies du cœur et contre le diabète. Les fibres insolubles permettent au transit intestinal de mieux fonctionner. Elles donnent du volume aux matières non digérées et accélèrent l'évacuation des toxines.
Si les fibres alimentaires ne peuvent pas être digérées, cela ne veut pas dire pour autant qu'elles ressortent intactes du corps. En effet, lorsqu'elles arrivent dans le côlon, elles font le délice de milliards de bactéries qui s'en nourrissent. Elles subissent alors un processus de fermentation au cour duquel elles se transforment et libèrent des produits biologiquement actifs, notamment des acides gras à chaîne courte qui constituent une source importante d'énergie pour les cellules du côlon. En améliorant la fonction intestinale, les fibres alimentaires réduisent également le risque de maladies et de troubles tels que la diverticulose et les hémorroïdes et pourraient également avoir un effet protecteur contre le cancer du côlon. Ce sont donc des « prébiotiques », nom qu'on donne aux aliments que vous ne digérez pas, mais qui permettent de nourrir votre flore intestinale, centre essentiel de votre immunité. Dans la mesure où les fibres vous remplissent l'estomac et l'intestin, alors que vous ne les digérez pas, elles donnent un sentiment de satiété. Elles aident les personnes qui cherchent à perdre du poids à moins manger.

Où trouver des fibres ?

L’analyse des consommations faite dans le cadre de l’étude Nutrinet montre que les apports en fibres, 20 g/j chez les hommes et 18 g/j chez les femmes, sont nettement en deçà des recommandations, ce qui est préoccupant en termes de santé publique. En effet, il est aujourd’hui admis qu’un apport insuffisant en fibres augmente le risque de maladies cardiovasculaires, d’obésité, de diabète de type II et de cancer colorectal. Seuls 22% des hommes et 12% des femmes atteignent le seuil de 25 g/j (minimum recommandé) et seuls 10% des hommes et 4% des femmes atteignent le seuil de 30 g/j (seuil optimal recommandé). Si vous mangez cru, vous n’avez pas de soucis à vous faire quand à votre apport quotidien. Qu’ils soient tendres, croquants, juteux, tous les fruits, légumes, légumineux, oléagineux qui constituent l’essentiel de votre diète en contiennent, des solubles et des non-solubles. Inutile de vous forcer, vous atteignez sûrement le seuil optimal recommandé. En revanche si ce n’est pas le cas, il est probable que vous fassiez parti des 96% des français qui en manquent. Les symptômes les plus courants sont la constipation et les lourdeurs digestives. Plutôt que de vous imposer les céréales au son de blé garanties 100% fibres à votre petit déjeuner, choisissez un fruit, voire deux ou trois, les mêmes ou différents selon votre humeur, vous y prendrez sûrement plus de plaisir et l’effet santé sera bien supérieur. Car vos problèmes digestifs ne sont peut-être pas dûs qu’à un manque de fibres. Il n’y a pas que des fibres dans les fruits. Il y a bien d’autres nutriments tout aussi importants et nécessaires.

Etude Nutrinet-Santé : Les apports en fibres alimentaires dans la population française

Classement des aliments du groupe Fruits, jus de fruits par teneur en fibres alimentaires totales

samedi 24 novembre 2012

Soyez acteur de votre santé

La science est formelle : Une alimentation cuite et transformée est néfaste pour la santé. Chaque année, de nouvelles études viennent en confirmer les méfaits et les dangers : AGE, acrylamide, furanes, graisses saturées, etc. Ce que dit la science est simple : les aliments bénéfiques, ceux qui sont nourrissants et sans risque pour la santé, ceux qui ont même une action préventive, ce sont les aliments crus, notamment les fruits et légumes. Et les résultats sont parfois surprenants. Voici deux témoignages glanés sur internet.

Sur le site www.purelyraw.com, Chris Carlton parle de son passé d’obèse et comment le passage au cru a totalement changé sa vie. Il commence son histoire par ces mots « J’étais souvent malade. » Sinusites, rhumes, bronchites, troubles de la respiration étaient son « état normal ». En surpoids dès l’enfance, issu d’une famille d’obèses du côté de son père, il ne se demandait pas « si » mais « quand » le diabète ou la maladie cardiaque allaient arriver. « J’étais sous traitement régulier d’"Actifed" (chlorhydrate de pseudoéphédrine / triprolidine hydrochloride) et de «Tylenol» (acétaminophène) et d’autres médicaments prescrits par mon médecin à l'époque. J’avais toujours sous la main une boîte de pilules et je n’étais jamais à plus de 10 mètres de mon inhalateur de secours. À l'âge de 35 ans, j'étais en mauvaise posture. Je pesais 363 livres (164 kg) ». Et puis Chris a décidé de changer de vie. Il s’est acheté un camping-car et est parti à l’aventure. Ce faisant, disposant de peu de budget mais de beaucoup de temps libre, Chris s’est mis à préparer ses repas. Sans même s’astreindre à un régime particulier, il a constaté qu’il allait mieux ainsi. Pour la première fois de sa vie, Chris prend conscience que ni l’obésité ni les maladies ne sont une fatalité, que sa santé dépend aussi et surtout de ce qu’il mange. De passage en Californie, il découvre d’abord le végétarisme puis l’alimentation crue. Aujourd’hui il a perdu plus de la moitié de son poids d’avant, stabilisé à 74 kg et il ne tarit pas d’éloges sur son nouveau mode de vie : « Je suis en bonne santé. Vraiment en bonne santé! Je n'ai pas été malade depuis trois ans. Ma tension artérielle est normale et mon taux de cholestérol est de 2,5 mmol/L (100 mg/dL, l’unité de mesure aux USA) »

Chris avant et après
Voici un autre témoignage, celui de Cecilia sur son site www.rawglow.com. Elle aussi se souvient qu’avant, elle était souvent malade. Elle souffrait d’infections respiratoires à répétition. Voici ce qu’elle en dit : « Dès l'âge de sept ans, j’étais asthmatique et atteinte de sinusites chroniques. À l’âge de 10 ans, j'avais 4 médicaments différents pour mon asthme, 3 types d'inhalateurs et des pilules anti-histaminiques […] Je devais utiliser mes inhalateurs jusqu’à 14 fois par jour. A chaque fois je sentais mon cœur battre la chamade à cause de l’effet de stimulation qu’il produisait sur moi. J’avais appris à vivre avec ça sans jamais imaginer que je pouvais guérir. Je pensais que c’était pour toujours » A l’adolescence un autre problème de santé est venu gâcher un peu plus la vie de Cecilia, le surpoids. : « Après le lycée, j'ai arrêté de jouer au football et j’ai commencé à prendre du poids. Je n'étais pas obèse mais je ne me sentais pas à l'aise dans mon corps. Je me souviens d’un shopping en Espagne. J’avais 19 ans et je ne trouvais pas d’autres maillots de bain à ma taille que ceux pour femmes plus âgées. J’en étais confuse et honteuse. Ce problème de poids me désespérait parce que j’étais gourmande. Bien manger était un réconfort. C’était mon ultime plaisir. »

Cecilia à 22 ans
Cecilia aujourd'hui
Et puis Cecilia a perdu sa mère, ce qui l’a beaucoup perturbée. A 22 ans, elle était déprimée, faisait des crises d’anxiété et de panique. En plus des problèmes d’asthme et de sinusite, elle cumulait, dérangements digestifs, cycles menstruels irréguliers, éruptions étranges, infections urinaires à répétition. Pour la soigner, les médecins n’avaient rien d’autre à lui prescrire que des antibiotiques. Cecilia a commencé à reprendre le dessus grâce à un régime qu’on lui a conseillé et qui l’a amené à supprimer les produits laitiers et limiter ceux à base de farine blanche et de sucre. Elle a tenu 6 mois et son état s’est amélioré. Mais ce n’est qu’avec l’alimentation crue que les choses ont vraiment changé : « Dès la première semaine, j’ai remarqué que j’avais plus d’énergie. Je me suis dit que si l’aliment cru que je mangeais était si plein de vie, cette force vitale devait être transmise à mon corps. […] Dès le quatrième mois, j’ai pu me passer de mes médicaments contre l’asthme. Je n’en avais plus et il n’est jamais revenu. En six mois, j’ai perdu 15 livres. Au cours du huitième mois, j’ai fait neuf jours de jeûne à l’issu desquels les boutons que j'avais sur mes bras et mes cuisses ont disparus. J'ai aussi remarqué que mes yeux marron foncé étaient devenus un peu plus clairs. Au bout d’un an, mon cycle menstruel était devenu plus régulier. Je me sentais plus en harmonie avec mon vrai moi, plus en confiance avec mon corps. Ma peau était devenue plus claire, mon teint plus lumineux et plus jeune. » Ce régime cru de Cecilia ne semble pas lui peser, contrairement à celui qu’elle avait essayé avant : « j'apprécie vraiment chaque repas cru. J'aime les saveurs vibrantes de fruits mûrs frais et des légumes justes cueillis. Quand je mange des aliments crus J'ai l'impression que chaque cellule de mon corps est nourrie, que mon corps chante, qu’il est heureux. C’est une sensation vraiment singulière, incroyable! ».


S’il est vrai que de nombreuses vertus préventives sont reconnues pour les aliments crus, ces témoignages tendent à leur donner un véritable pouvoir thérapeutique. De tels résultats, aussi spectaculaires, ne sont peut-être pas généralisables. Ils sont néanmoins cohérents avec l’état des connaissances scientifiques actuelles. Ils montrent surtout que le point de départ de ces améliorations, c’est la prise de conscience qu’il n’y a pas de fatalité, que nous sommes responsables de notre santé. Les médecins soignent la maladie mais c’est à chacun de préserver sa santé. Redécouvrir les plaisirs crus et s’y adonner est, à cette fin, le plus agréable des chemins.

Les bienfaits de l'alimentation crue

Trois étapes vers une alimentation saine et agréable

samedi 27 octobre 2012

Accaparement des terres : Nécessité d'une éthique pour les investissements fonciers agricoles

La signature, en mai 2008, d’un bail de 99 ans entre l’état Malgache et le conglomérat Daewoo pour l’exploitation de 1,5 millions d’hectares de terres destinés à fournir près de la moitié des importations de maïs de la Corée du Sud a mis sous les feux de l’actualité un phénomène jusqu’alors ignoré du grand public, celui de la spéculation foncière agricole. Une pratique qualifiée d’accaparement des terres par de nombreuses ONG lorsqu’elle concerne des pays pauvres où la malnutrition touche, comme c’est justement le cas à Madagascar, plus de la moitié des enfants de moins de trois ans. Ce phénomène qui ne se limite pas à quelques pays défavorisés est préoccupant car il traduit dans les faits des évolutions fondamentales qui déterminent l’avenir de notre alimentation, que l’on mange cru ou pas.

Au niveau mondial, la progression du volume des échanges a commencé en 2005. Elle a connu un pic considérable en 2009 avant reprendre dès 2010 le rythme des années précédentes.
Superficies des terres acquises entre 2000 et 2010 (en millions d'hectares)
Ce sont l’augmentation des besoins en denrées alimentaires et le développement des biocarburants qui ont enclenché ce processus à l’échelle mondiale au cours des années 2000. Les besoins en denrées alimentaires sont durablement poussés à la hausse par l’augmentation soutenue de la population mondiale et la progression du niveau de vie des classes moyennes des pays émergeants. De son côté, le renchérissement des prix pétroliers a favorisé le décollage de la production de biocarburants. Enfin le mouvement de panique des marchés financiers lors de la crise systémique qui s’est déclenché en 2008, en ramenant les investisseurs vers des valeurs refuge, explique le pic de 2009.

Selon les chiffres recueillis par l’IREC dans son rapport de mars 2012, 98% de ces acquisitions se font dans les pays du tiers monde, c'est-à-dire en Afrique (67%) et, dans une moindre mesure, en Asie (22%) et en Amérique latine (9%). Ce mouvement devrait se poursuivre et s’amplifier dans la décennie 2010-2020 tant il est aisé d’acquérir des terres dans ces régions où les populations qui en vivent possèdent rarement un titre de propriété. Les états qui administrent ces terres voient dans l’intérêt qu’elles suscitent, au mieux l’opportunité d’attirer des capitaux étrangers pour soutenir le développement économique de leur pays, au pire l’occasion d’enrichissement personnel. C’est ainsi que des multinationales et des fonds de pensions peuvent acquérir de vastes espaces de plusieurs centaines de milliers d’hectares. L’aggravation brutale de la crise systémique annoncée par le LEAP pour la fin 2012, si elle se confirme, devrait doper considérablement ce phénomène. Cette nouvelle secousse, pronostiquée plus forte encore que la première, pourrait même faire de 2013 une année exceptionnelle. Le précédent record de 2009 qui avait vu les acquisitions foncières multipliées par 5 risque fort d’être explosé. Au vu des tendances enregistrées ces dernières années, on peut s’attendre à un volume de transaction de l’ordre de 60 à 100 millions d’hectares, soit 50 fois supérieur à celui d’avant la crise.

Dans les autres régions du monde, les investissements fonciers existent aussi mais dans de plus modestes proportions. En Europe, ce sont les pays de l’ancien bloc soviétique qui sont les plus concernés. Découragés par le coût du foncier dans leur pays, des agriculteurs français viennent s’installer en Ukraine. Des sociétés d’investissement s’engouffrent sur ce créneau et mettent en location les terres acquises. Celles-ci sont généralement fertiles. Elles sont rapidement mises en exploitation. Leur rentabilité est bonne. Les modes d’exploitation reproduisent, à une plus grande échelle, ceux pratiqués en France. Du point de vue environnemental cela signifie : utilisation massive d’intrants, monoculture, destruction de la biodiversité, hyperconsommation de pétrole pour les carburants et la fabrication des engrais et pesticides. L’augmentation du coût du pétrole et la dégradation environnementale devraient éroder la rentabilité de ces investissements à moyen terme.

La situation est très différente en Afrique. Zones souvent arides, insuffisance voire absence d’infrastructures, instabilité politique, sont autant de handicaps à une valorisation rapide et rentable. Néanmoins, ces terres constituent des actifs prometteurs. D’abord, la captation foncière permet la captation de la ressource en eau. Dans son rapport publié en juin 2012, l’ONG GRAIN la dénonce en ces termes : « Derrière chaque accaparement de terre, il y a l’accaparement de l’eau ». Les investisseurs font le pari que l’accès à l’eau, souvent inclus gratuitement et sans restriction lors des transactions, pourrait valoir bien davantage à moyen ou long terme que la transaction initiale. Ensuite, il y a les tendances structurelles lourdes, la démographie et la demande des pays émergents qui poussent à la hausse les prix du foncier agricole. Enfin les effets conjugués du réchauffement climatique et des atteintes à l’environnement en partie dues à l’agriculture industrielle pèsent sur la productivité agricole mondiale et aggrave la pénurie alimentaire. C’est le cas cette année où les récoltes de céréales sont à leur plus bas niveau depuis des décennies à cause d’épisodes de sécheresse intense aux USA mais aussi en Russie qui sont les deux plus gros exportateurs de céréales de la planète. Dans ce contexte, la recherche de nouvelles surfaces à exploiter se fait chaque année plus prégnante. Enfin la baisse continue des aides au développement amène les pays du Sud à rechercher de nouvelles sources de devises en cédant leur patrimoine foncier. Cette combinaison multi-factorielle favorise la spéculation foncière qui n’en est qu’à ses débuts. Elle devrait prendre une très grande ampleur dans la décennie en cours et celles à venir, jusqu’à se hisser au niveau des valeurs technologiques et financières.

A ces tendances de fond vient s’ajouter un puissant facteur déstabilisateur : La raréfaction des ressources pétrolières. L’agriculture moderne est un secteur très dépendant du pétrole, pas seulement pour l’énergie mais aussi pour les engrais et les pesticides, (la production d’un kilo d’engrais nécessite 1,5 litres de pétrole, la production d’un kg de bœuf 2 litres, etc.). Depuis quelques années déjà, nous sommes entrés dans une période de fortes turbulences caractérisée par d’importantes variations du prix du baril de brut. Cette situation va tempérer les ardeurs des investisseurs qui ont besoin de visibilité à moyen et long terme, tandis que les exploitants vont voir leur modèle économique constamment remis en cause par les vagues successives de hausse de leurs coûts de production. Ce facteur déstabilisateur pourrait accélérer le mouvement d’adaptation vers une agriculture décarbonnée mais il risque aussi de nourrir une forte instabilité sociale dans le monde agricole.

Dans ce contexte la valorisation des terres dans les zones tropicales semi-arides ne tiendra pas ses promesses. Selon l’économiste Jean-Jacques Gabas « La réalité de la mise en œuvre des terres accaparées est très éloignée des annonces initiales". Dans une étude de cas qu’il a réalisé sur Madagascar, il constate que sur l'ensemble des surfaces recherchées qui atteignait 3 millions d'hectares fin 2009, « les superficies réellement cultivées ne s'élèvent qu'à 22 000 hectares ».
Il y a sans doute beaucoup d’illusions quant à la capacité de ces terres à répondre aux besoins futurs, surtout de la part de ceux qui entendent les exploiter à grande échelle comme aux USA. Les ressources en eau sont notoirement insuffisantes et celles en pétrole ne suivront pas. Des illusions entretenues par les effets d’annonce comme celle de la découverte d’immenses nappes d’eau souterraines dans le Sahara ou encore les projets d’usines de dessalement de l’eau de mer alimentées par des centrales nucléaires. Mais qu’importe les illusions, du moment qu’elles soutiennent la spéculation ! Les principales victimes de ces tractations sont les populations de droit coutumier qui vivent dans ces espaces sauvages. Sur leurs terres ancestrales ils se voient désormais, au mieux tolérés, souvent indésirables voire expulsés. Et c’est précisément cela qui justifie que l’on parle d’ "accaparement".

Il y a pourtant une place pour l’équité dans ces investissements fonciers. L’apport de ressources financières par des investisseurs peut être bénéfique pour valoriser des terres sous-utilisées. Elles seront nécessaires pour nourrir les 9 à 12 milliard de bouches à l’horizon 2050. Or ces populations autochtones que l’on néglige détiennent une connaissance précieuse de leur milieu et sont sans doute les mieux placés pour valoriser leurs terres. Reconnaître leurs droits coutumiers serait une première étape. Au Brésil, des peuples d’Amazonie l’ont obtenu mais ce n’est pas le cas dans la plupart des pays d’Afrique. Cette condition préliminaire respectée, des investissements fonciers responsables sont possibles s’ils vont dans le sens d’une préservation de la flore et la faune sauvage, si, dans le souci d’obtenir une productivité à la fois élevée et pérenne, ils adoptent des modes de culture qui restaurent les sols et développent la biodiversité. Ces modes de culture, permaculture, agroforesterie, cultures sur buttes et paillis, BRF, Push-Pull, etc., sont depuis longtemps expérimentés dans diverses régions du monde et notamment en zone aride. Elles ont montré qu’il est possible d’obtenir d’excellents rendements avec peu de mécanisation, peu d’irrigation, sans aucun produit chimique. Elles mettent en œuvre des techniques simples et à la portée de toutes les populations.

Enfin et il est important d’insister sur ce point, l’investissement foncier, s’il se veut éthique, doit aussi aller dans le sens d’une meilleure alimentation, plus diversifiée en fruits et légumes, moins axée sur les céréales, les produits laitiers ou les viandes. D’abord parce que les monocultures céréalières et l’élevage sont catastrophiques pour l’environnement et la biodiversité. Ensuite parce que les aliments à base de céréales et les produits laitiers posent de nombreux problèmes de santé. Faut-il le rappeler, l’alimentation naturelle de l’espèce humaine, celle qui fut la sienne pendant des millénaires est essentiellement frugivore et végétale, occasionnellement carnivore. Tant pour des raisons de santé publique qu’environnementales et afin qu’il soit possible de nourrir l’humanité même en 2050 avec 12 milliards d’âmes, il est indispensable d’orienter prioritairement l’investissement agricole vers des productions fruitières et légumière diversifiées.
Si dans vos relations il y a des entreprises ou des particuliers tentés par des placements fonciers agricoles, n’hésitez pas à user de votre pouvoir d’influence pour les mettre en garde quand aux aléas de ce type d’investissement et les sensibiliser sur la nécessité d’une approche de développement durable en la matière, c'est-à-dire une approche globale qui allie pleinement business, social et écologie.

Le monde du 4 octobre 2012 : Oxfam s'alarme de la flambée des accaparements de terres

L'accaparement de l'eau au coeur des transactions foncières au Sud

Les pétrodollars à l’assaut des terres agricoles africaines

Brin de paille : l'association Française de Permaculture

Kenya: La méthode « push-pull » protège le maïs contre des organismes nuisibles majeurs

Le BRF : Bois Raméal Fragmenté

Surpopulation : Nourrir 12 milliards d'êtres humains, est-ce possible ? 

samedi 29 septembre 2012

Quel futur pour les OGM ?

Depuis une quinzaine d’année, la bataille fait rage entre pro et anti-OGM. Les uns dénonçant les dangers pour la santé et l’environnement, l’irresponsabilité des multinationales et de leurs apprentis sorciers, les autres fustigeant le refus du progrès et de la modernité, l’agitation de peurs irrationnelles, un obscurantisme anti-science, les pratiques de voyous des faucheurs volontaires. Avec l’étude que vient de publier Gilles-Eric Séralini dans la revue internationale « Food and Toxicologie », les anti-OGM n’ont peut-être pas encore gagné la guerre mais sûrement une bataille importante, voire décisive.

Ce que l’on apprend de l’histoire de cette étude est édifiant : trois ans dans le plus grand secret, dix personnes au courant, emails cryptés, téléphones portables désactivés lors des réunions, fausse étude pour brouiller les pistes. Tout a été fait pour prendre le contre-pied des études menées précédemment : Celle-ci n’est pas financée par l’industrie semencière mais par des fondations et des entreprises non liées aux OGM. La durée d’exposition des rats n’a pas été limitée à trois mois, mais étendue à toute la durée de vie du rat, c'est-à-dire deux ans. La toxicité a été évaluée, non pas sur quelques critères biologiques opportunément choisis mais sur plus d’une centaine. Les données brutes ne sont pas classées secret industriel mais mises à la disposition de la communauté scientifique. Les protocoles scientifiques ont été scrupuleusement respectés, ce qui n’est pas toujours le cas des études des industriels qui assènent des résultats difficilement vérifiables.

Avec cette étude apparaissent au grand jour les manœuvres dilatoires des industriels pour imposer coûte que coûte les OGM dans le monde avant que la vérité sur leur toxicité n’éclate. Ils étaient sur le point d’y parvenir puisque l’Europe s’apprêtait à alléger les formalités de mise sur le marché des semences OGM en les alignant sur les plantes non OGM. Les résultats de cette étude viennent à point nommé pour stopper cette proposition.

Les conséquences de cette étude ne se limitent pas l’évaluation de toxicité des plantes OGM mais s’étend à celle des produits chimiques utilisés en agriculture et notamment les désherbants et les insecticides. En effet, outre l’évaluation d’un maïs OGM, l’étude a aussi porté sur la toxicité à faible dose d’un désherbant, le Rondup. L’opinion publique est depuis quelques années déjà soumise régulièrement à des révélations sur les dangers de produits chimiques présents dans les produits alimentaires industriels. Malgré diverses études scientifiques démontrant des effets néfastes de ces produits à faible dose, les modes d’évaluation de leur toxicité n’ont pas été modifiés. L’impact médiatique de l’étude Séralini pourraient bien obliger les instances de contrôle à relever leur niveau d’exigence pour tous les produits chimiques utilisés dans l’alimentation ou en contact avec des produits alimentaires.

Certes il faut rester mobilisé. Les puissantes multinationales de la chimie et de la génétique, n’ont sans doute pas dit leur dernier mot. Mais avec cette étude, la science a changé de camp. En révélant la vérité des faits dans toute leur rigueur scientifique, elle a aussi fait la lumière sur les manipulations des zélateurs des OGM et décrédibilisé le discours scientifique derrière lequel ils s’abritaient. Ce sont eux qui aujourd’hui se voient taxés d’anti-science, non pas par obscurantisme, mais par cynisme et appât du gain, ce qui est criminel. La modernité et le progrès aussi sont en train de changer de camp. En effet, les OGM et les produits chimiques sont conçus pour une agriculture industrielle qui a sans doute fait des miracles il y a un demi-siècle mais qui a montré depuis ses limites et surtout ses effets pervers sur l’environnement, les ressources en eau et la biodiversité. Promouvoir les OGM, c’est promouvoir un modèle agricole obsolète, de plus en plus contesté et que la raréfaction du pétrole rend de moins en moins viable. L’avenir est désormais celui d’une agriculture diversifiée qui valorise l’écosystème pour en tirer parti.

Cette évolution prépare opportunément le terrain pour une prise de conscience plus large encore. En 2013 devraient être publiés les résultats du deuxième programme quinquennal de recherche HEATOX, financé par la communauté européenne, sur les molécules synthétisées par la cuisson des aliments. Après la découverte en 2002 d’une molécule toxique, l’acrylamide, issue d’une réaction chimique lors de la cuisson, dans des aliments de consommation courante, tels que le pain, les biscuits, le café, l’union européenne a lancé un vaste programme de recherche scientifique. Les résultats du premier programme de cinq ans ont confirmé la présence de cette molécule et révélé plusieurs centaines d’autres produites elles aussi par la cuisson et susceptibles d’être tout aussi néfaste pour l’organisme.

Seule la révélation de faits scientifiquement établis pourra libérer l’humanité des attraits de la cuisson et de la transformation des aliments. Quand bien même ceux qui ont sauté le pas témoignent du plaisir qu’ils prennent en mangeant cru, ce sont bien le souci de préserver sa santé ou celle de ses proches. Et pour ce qui est de savoir ce qui est bon pour la santé, la vérité scientifique est la plus crédible.

Le Nouvel Observateur : Oui, les OGM sont des poisons

OGM : Ces conflits d'intérêt qui nuisent à la science

OGM : les vrais et faux arguments du Pr Gilles-Eric Séralini

HEATOX : le site officiel

HEATOX : Le programme de recherche de la Commission Européenne

Les OGM, c'est dépassé

mercredi 22 août 2012

Enquête consommation : résultats partiels sur un trimestre

Dans un article précédent, considérant les impasses auxquelles les habitudes alimentaires des pays nantis risquent de nous mener, je vous proposais d’évaluer l’impact écologique d’un régime alimentaire 100% cru tel que peuvent le pratiquer certaines personnes qui fréquentent ce blog. Il s’agit pour cela de noter les approvisionnements destinés à l’alimentation crue dans un document Excel pendant une période d’au moins un an afin d’avoir une estimation assez précise des quantités consommées et d’en déduire quel serait l’impact écologique si ce régime alimentaire devenait la norme.
Pour ce qui me concerne cela fait maintenant quatre mois que je note scrupuleusement tous mes achats. Sur une aussi courte durée les résultats ne reflètent pas exactement la réalité de ce qui a été consommé. En effet, la part très faible d’oléagineux certains mois s’explique par le fait que ces produits qui peuvent se stocker ne sont commandés que très irrégulièrement et souvent en quantité pour bénéficier de prix de gros. Après avoir converti les œufs de pièce en poids pour avoir des données cohérentes, voilà ce qui ressort de ces trois premiers mois. J’ai écarté le mois de mars parce que j’avais commencé ma collecte de données en cours de mois. Ce compte-rendu porte donc sur les mois d’avril, mai et juin.
Pour un foyer de deux personnes, une demie tonne de nourriture a été approvisionnée. En extrapolant on devrait obtenir une tonne par personne et par an. Selon les chiffres de la FAO, la quantité de nourriture disponible pour un européen est de 986kg. En termes de quantité de produits alimentaires disponibles, les deux modes d’alimentation ne devraient pas être très différents. Ce ne sera pas le cas en terme de production agricole. En effet, dans le décompte de la FAO apparaissent quelques produits transformés comme l’alcool, les huiles, le sucre et les produits laitiers. Aussi, si l’on se base sur les matières premières produites, les quantités devraient être nettement inférieures dans le contexte d’une alimentation crue par rapport à celui d’une alimentation cuite fortement transformée. Par voie de conséquence, on peut donc pronostiquer un avantage de l’alimentation crue en termes d’emprise de terres agricole.
Sur l’ensemble du trimestre, on constate que les fruits et légumes représentent les trois quarts de l’approvisionnement. Les produits animaux (viandes, poissons, œufs) ne représentent que quelques pourcents.

Répartition par catégorie de produits 

Les variations saisonnières sont importantes et la palette alimentaire s’avère très diversifiée. L’est-elle davantage que dans le l’alimentation cuite ? Elle doit probablement être plus versatile. En effet, chaque mois, ce sont en moyenne plus d’une trentaine de matières premières végétales ou animales différentes qui composent la palette alimentaire : 37 en avril, 35 en mai et 34 en juin et, d’un mois sur l’autre, ce ne sont pas toujours les mêmes puisqu’au total sur l’ensemble du trimestre elles sont près de soixante (57). Si la variété des produits alimentaires est aussi importante en alimentation cuite qu’en alimentation crue, la variété des matières premières nécessaires doit en revanche être sensiblement moindre. Et si cette hypothèse est confirmée cela signifierait un avantage supplémentaire en faveur de l’alimentation crue dans la mesure où elle serait de nature à favoriser la biodiversité.

Répartition par produits sur le trimestre : le top dix

Répartition par produit sur le trimestre : les autres en % des 33% du graphique précédent

La part modeste des produits animaux est aussi un point favorable à mettre au crédit de l’alimentation crue même lorsqu’elle est non strictement végétarienne, ce qui le cas en l’occurrence.

La provenance est sans doute le point le moins propice à l’alimentation crue, surtout en période hivernale. Ici sur une période à cheval hiver-printemps on constate une part très importante pour l’Espagne. Ce pays et l’Italie représentent à eux seuls la moitié des approvisionnements. La France tient elle aussi une part conséquente, si bien qu’on peut dire que les deux tiers de l’approvisionnement se fait par camion sur des distances de l’ordre de 1000 km en moyenne. Une petite partie de l’approvisionnement se fait par bateau, notamment pour ce qui concerne les bananes et quelques autres produits peu fragiles et environ 25% proviennent de pays lointains et sont acheminés par avion.

Répartition par provenance 

Il faudrait analyser plus finement et de préférence sur une plus longue période pour comparer l’empreinte énergétique de l’alimentation crue liée au transport avec celle de l’alimentation cuite. Il n’est pas certain que le résultat soit en défaveur de l’alimentation crue.

Voilà pour ce qui est des premières constatations. Il est trop tôt pour en tirer autre chose que des hypothèses. Nous verrons dans les mois qui viennent si les tendances observées se confirment. Si de votre côté vous avez commencé l’expérience, n’hésitez pas à m’en informer. La confrontation des données peut apporter quelques enseignements intéressants. 
 

dimanche 29 juillet 2012

Découvrez l'os à moelle

N’avez-vous jamais essayé l’os à moelle ? Vous devriez ! Cette substance grasse et onctueuse cachée à l’intérieur des os mérite qu’on s’y intéresse. D’abord parce qu’elle est vraiment délicieuse mais aussi parce que c’est un aliment exceptionnel, très calorique, riche en lipides et en protéines.

Nos lointains ancêtres préhistoriques s’en régalaient déjà. Ils l’extrayaient des carcasses trouvées dans la nature en fracassant les os à l’aide de pierres. Cela remonte à une époque où ils n’étaient encore que charognards, c’est-à-dire avant même qu’ils ne commencent à chasser. Preuve que la moelle est un mets recherché, même les vautours s’y mettent. Ils cassent les os en les laissant choir d’une grande hauteur sur des pierres (à voir en vidéo ici )

Il faut dire que la moelle osseuse n’est pas un simple amas graisseux logé au cœur des os. Elle a une fonction essentielle : fabriquer les cellules sanguines. Cette étonnante substance planquée dans le squelette humain en produit 350 milliards chaque jour. Elle héberge des cellules à division rapide multipotentes, c'est-à-dire des cellules souches capables de se différentier en de nombreux type de cellule : sang, muscle, etc. Autant dire que la recherche médicale est sur le coup. Ces cellules souches de moelle osseuse ouvrent une perspective considérable dans le domaine de la chirurgie réparatrice : faire repousser des organes détruits ou malades, par exemple, de la peau, des muscles, des veines, des dents. Voilà en quoi la moelle osseuse est un aliment peu banal et peut-être pourquoi elle est si nourrissante. Consommée tel quel, crue, ce sont ces cellules souches encore intactes, véritables usines biochimiques que l’organisme absorbe, démonte et recycle. N’attendez pas pour en profiter. On trouve chez tous les bons bouchers des os à moelle de bœuf. Protégé par l’os qui l’entoure, c’est un aliment peu fragile qui se conserve très bien au réfrigérateur.

Pour être consommé cru, l’os à moelle doit, comme les viandes, provenir d’animaux sains, élevés et nourris dans leur environnement naturel, ce qui n’est pas toujours le cas. C’est pourquoi il est préférable de s’approvisionner chez un boucher bio. Il doit aussi être correctement conditionné, ce qui est réglementairement le cas avec les normes d’hygiène en vigueur. Essayez, vous ne le regretterez pas, c’est un mets crémeux, onctueux, légèrement sucré, trop souvent négligé, à tort.

Quelques liens :

Composition nutritionnelle de la moelle osseuse du caribou
 
Vidéo montrant comment les vautours extraient la moelle osseuse pour la manger. 

lundi 25 juin 2012

Nourrir la planète : Est-ce mieux ou pire en mangeant cru ?

Dans un précédent article sur ce blog (Surpopulation : Nourrir 12 milliards d’être humains, est-ce possible ?), dans lequel j’évoquais les impasses des systèmes de production alimentaire, notamment l’agriculture industrielle, j’ai eu l’occasion d’exposer quelques données intéressantes disponibles sur le site internet de la FAO. J’avais ainsi montré qu’aux conditions actuelles de consommation, la quasi-totalité des terres cultivées devraient être consacrées à la production de céréales pour subvenir aux besoins de 12 milliards d’êtres humains, ne laissant quasiment rien aux autres productions, ce qui est tout bonnement irréaliste. La conclusion qui s’imposait à cette démonstration était que l’adoption de méthodes de culture plus respectueuses de l’environnement ne suffira pas pour résoudre le problème et que les habitudes alimentaires devront nécessairement évoluer pour qu’il soit possible de nourrir tout le monde en 2050.

Les chiffres de la FAO permettent de se faire une idée des habitudes alimentaires. Le graphique ci-dessous, tiré de cet article en donne une illustration synthétique et met en relief les différences entres pays à hauts revenus et pays défavorisés.

Les européens consomment dix fois plus de produits laitiers, huit fois plus de viande, cinq fois plus d’alcool, trois fois plus de fruits que les populations de pays pauvres. Au total un européen mange davantage que deux africains dont le menu se compose essentiellement de céréales et de légumes. Les uns ont une alimentation carencée, peu diversifiée et, dans certaines régions, notoirement insuffisante, les autres ont une alimentation excessive et manifestement trop riche en graisses saturées et en sucre. Le régime des premiers est peu enviable, celui des autres n’est ni bon pour la santé ni tenable à long terme dans un monde qui voit sa population augmenter et ses ressources diminuer.

Selon les recommandations officielles en matière d’alimentation, nous devrions manger davantage de crudités et de fruits frais. Si elles étaient universellement respectées qu’en serait-il de la production agricole ? Permettraient-elles de nourrir 12 milliards de bouches ? La productivité des arbres fruitiers et des cultures vivrières est nettement plus élevée que celle des céréales mais cela suffirait-il ? A partir des chiffres fournis par la FAO, on peut extrapoler ce que donnerait en terme d’emprise sur les terres cultivables une augmentation de la consommation de fruits mais il est difficile de prévoir au détriment de quelle autre catégorie d’aliments se ferait cette augmentation et donc quelles emprises seraient ainsi libérées au profit de l’arboriculture fruitière. Il est par ailleurs périlleux d’évaluer la variation de l’emprise des cultures vivrières puisque les légumes se consomment tantôt cru, tantôt cuit. On ne peut donc rien conclure quand à la viabilité à long terme des recommandations alimentaires des autorités de santé. Pour le savoir, ou tout au moins avoir un début de réponse à cette question, la seule solution serait de faire des enquêtes de terrain consistant à comptabiliser les quantités d’aliments consommés par des populations ayant des habitudes alimentaires différentes. De telles enquêtes posent des problèmes de mise en œuvre qui peuvent se révéler complexes : Comment prendre en compte les quantités consommées au restaurant d’entreprise ou à la cantine scolaire ? Comment déduire des produits transformés (pizzas, plats cuisinés, conserves, etc.) les quantités de matières premières qui ont été nécessaires à leur élaboration ? Autant de questions qui ne se posent pas avec la même acuité lorsque l’on mange cru. La fréquentation des restaurants est assez rare et les approvisionnements ne concernent que des matières premières agricoles. Il est donc aisé, dans ce cas de figure, de déduire l’emprise agricole d’une personne qui mange cru, tout au moins dans la mesure où elle mange cru à 100%. C’est ainsi que m’est venue l’idée de comptabiliser mon approvisionnement familial pendant au moins un an, période minimale pour un cycle saisonnier complet. J’ai entamé cette collecte de données il y a environ deux mois. Chaque week-end, après les courses et lors de la livraison de nos commandes par correspondance, j’enregistre dans une feuille Excel les quantités ravitaillées. Une feuille simplissime, composée de trois colonnes : la première pour l’aliment, la seconde pour la date, et la troisième pour la quantité. Le but n’étant pas d’étudier l’apport nutritif des aliments, je ne distingue pas les variétés. Oranges blondes et sanguines ou demi-sanguines sont toutes regroupées dans la même rubrique "Oranges". De même pour les diverses variétés d’avocats, de dattes ou de miel. J’ai prévu une quatrième colonne pour y inscrire la provenance. Elle permettra d’estimer l’empreinte carbone de l’acheminement. Dans cette colonne je mets la mention "Cueillette" pour tout ce qui vient de mon jardin ou de cueillette dans la nature et la mention "Producteur" pour tout ce que j’achète directement aux producteurs locaux. Pour le reste j’inscris le pays d’origine pour les provenances européennes ou le continent pour les produits qui viennent de loin et sont acheminés par avion. Grâce à la fonctionnalité Excel de tableau croisé dynamique, une synthèse est automatiquement mise à jour sur une seconde feuille. J’ai ainsi un tableau de bord des quantités approvisionnées que je peux consolider par produit, par provenance, par date ou intervalle de date. Cette collecte de données est beaucoup plus simple que celle consistant à peser à chaque repas les quantités consommées. Elle ne prend que quelques minutes par semaine. Même si une petite partie des quantités enregistrées n’est pas consommée, notamment à causes de pertes ou qu’elle est consommée par des tierces personnes, des invités par exemple, ces chiffres reflètent bien ce dont dispose effectivement un foyer pour se nourrir et peuvent donc être comparés aux chiffres de la FAO. Il suffirait alors qu’un nombre suffisant de foyers participe à cette collecte d’informations pour en déduire l’empreinte agricole des personnes qui mangent cru et de là, estimer la viabilité écologique de ce type d’alimentation.

C’est pourquoi je lance un appel à vous, chers lecteurs parmi lesquels je sais qu’un certain nombre sont crudivores à 100%, parfois de longue date. Notez vous aussi vos approvisionnements dans une feuille Excel. C’est facile, peu contraignant, juste une habitude à prendre en revenant de vos courses ou au moment de faire vos comptes. Car cela peut vous être utile. Vous connaîtrez ainsi mieux vos consommations et donc vos besoins. N’êtes-vous pas curieux de connaître la proportion de fruits, de légumes, d’oléagineux, de viandes, de fruits de mer dans votre alimentation ? Il nous est parfois fait le reproche d’avoir un mode d’alimentation peu écologique en raison du recours à des produits exotiques acheminés par avion. Cette enquête vous permettra de calculer l’empreinte carbone de votre alimentation. Si vous avez un jardin, ces informations collectées patiemment vous permettront d’évaluer précisément la part de votre production personnelle et peuvent s’avérer précieuses pour choisir le nombre et les variétés d’arbres et de plantes à y cultiver afin d’assurer à toute votre famille une production à la fois diversifiée, suffisante et étalée.

Cliquez sur ce lien pour Télécharger un modèle de fichier Excel (au format Office 2007-2010) et commencez dès aujourd’hui la saisie de vos approvisionnements. L’utilisation de ce document Excel est simple :
  • Notez dans l’onglet Synthèse le nombre de personnes qui mangent cru à 100% ainsi que votre pays de résidence.
  • Notez dans l’onglet Données uniquement ce que vous destinez à la consommation crue. Si dans votre foyer certaines personnes ne mangent pas cru, ne comptez pas ce que vous achetez spécifiquement pour elles. Par exemple, ne comptez pas les pommes de terre ou les carottes que vous destinez au pot-au-feu, ni les tomates, poivrons et aubergines de la ratatouille.
  • Inutile de décompter les quantités de nourritures que vous destinez à être consommée crue que ces personnes ou des invités pourraient consommer. De même, inutile de décompter la nourriture perdue, même si, pour ne pas la jeter, vous l’avez fait cuire.
  • A l’exception des œufs qui seront comptés à la pièce, utilisez toujours le kilogramme comme unité de quantité et n’oubliez pas de convertir en kilo tout autre produit vendu à la pièce.
  • Arrondissez les quantités. La précision au gramme près n’est pas nécessaire.
  • Pour les fruits secs, notez le poids séché. Toutefois, dans la liste des produits, distinguez bien le produit séché du produit frais. Par exemple pour les figues vous pourrez avoir deux lignes, l’une pour les figues fraîches, intitulée "Figues" et une autre pour les figues séchées, intitulée "Figues séchées"
  • Si vous avez deux provenances pour un même produit, saisissez deux lignes distinctes. Par exemple si vous achetez deux barquettes de 250g de fraises d’Espagne et deux barquettes de 250g de fraises françaises, saisissez une ligne "Fraises", quantité "0,5", provenance "Espagne" et une autre ligne "Fraises", quantité "0,5", provenance "France".
  • Pour la provenance saisissez : 
    • "Cueillette" s’il s’agit de votre production personnelle, voire de la production offerte par un voisin, un ami ou la famille, ou s’il s’agit d’une cueillette faite dans la nature.
    • "Producteur" s’il s’agit de produit acheté directement au producteur, à la ferme, sur un marché, dans une AMAP.
    • Le pays d’origine pour les provenances du pays où vous résidez où des pays voisins
    • Le continent pour les produits de lointaine provenance et acheminés par avion.

Faites connaître votre participation à cette enquête en postant un message sur la liste de diffusion Manger-Cru (lien) ou sur la page Facebook Manger-Cru (lien).

dimanche 27 mai 2012

Découvrez les fruits rouges du printemps

Avec les beaux jours s’opère un basculement des saveurs pour l’amateur de nourritures crues. Les fruits tant appréciés au cœur de l’hiver, notamment ceux qui nous viennent de pays chauds, oranges, mandarines, bananes, ananas pour ne citer que les plus courants, s’effacent au profit de petits fruits rouges bien de chez nous. C’est un peu comme une migration qui s’achève, sauf que ce sont les nourritures qui se sont déplacées et non ceux qui les mangent. Dès les prémisses de la belle saison nous quittons les saveurs exotiques pour retrouver dans nos jardins et nos forêts fraises, framboises, groseilles et cerises, toutes originaires de nos régions ou acclimatés depuis fort longtemps. Riches en antioxydants, en composés phénolique, en vitamines, en béta-carotène, ces fruits succulents sont réputés avoir un effet protecteur sur de nombreuses maladies comme le cancer, l’artériosclérose, les maladies cardio-vasculaires, etc. Les cerises aigres sont particulièrement riches en anti-oxydants. Fruits populaires, présents dans nos jardins et nos forêts, leurs saveurs tranchent avec celles de la saison froide, renouvellent les sensations gustatives, réactivent plein d’heureux souvenirs. Venant de votre jardin, pour peu que vous vous absteniez d’utiliser des produits chimiques, ils seront aussi bons, sinon meilleurs que ceux que vous trouverez dans le commerce. Ce sera notamment le cas pour les fraises dont la culture industrielle est consommatrice d’eau et de produits chimiques. En Espagne, des ONG locales et le WWF dénoncent cette culture à grande échelle. Déboisement et occupation illégale de zones protégées, assèchement de zones humides et des nappes phréatiques, utilisation de produits chimiques interdits en France comme la chloropicrine, un poison dangereux utilisé comme gaz de combat, saisonniers mal payés, mal logés, sans droits, tels sont les secrets de l’étonnante compétitivité des fraises d’Espagne. Elles sont d’un goût douteux, au sens propre comme au figuré. Préférez, lors de vos achats, les fruits biologiques. Même s’ils sont un peu plus chers, ils sont souvent plus goûteux et rassasient mieux et plus rapidement que leurs homologues dopés aux engrais chimiques. Dès les premiers beaux jours de printemps, alors que les arbres, encore mornes squelettes, commencent à verdir, quelques-uns d’entre eux s’habillent de flocons d’une neige lumineuse. Ce sont les merisiers en fleur. Repérez-les bien lors de vos promenades en forêt, dans un mois et de demi environ, ils seront criblés de points rouges : les cerises sauvages. Elles sont généralement d’un petit calibre mais leur goût est beaucoup plus prononcé que celui des cerises de cultivars du commerce. De même au raz du sol, le long des allées ou sur les pentes des fossés, d’autres points rouges apparaissent à la même époque : les fraises des bois. Elles aussi ont un goût prononcé qui emplit la bouche malgré leur petite taille. Leur teneur en antioxydants est bien supérieure à celle des fraises cultivées. La forêt n’est peut-être plus aussi nourricière qu’elle a pu l’être aux temps anciens, elle recèle néanmoins de belles surprises.

jeudi 26 avril 2012

Le blé : Enquête sur une plante alimentaire au dessus de tout soupçon

Le blé est une plante qui tient une place à part dans les cultures occidentales. Omniprésente dans l’Histoire, elle fut au cœur de nombreux conflits et la cause de maintes famines lors de mauvaises récoltes. Chargée de symboles, tels le geste auguste de la semeuse qui ornait les timbres postaux et la monnaie nationale dans la France du siècle dernier, elle est encore la matière première alimentaire la plus échangée sur les marchés mondiaux. Mais au-delà de ses représentations mythiques voire mystiques et de son poids culturel, qu’en est-il de la réalité de cette plante souvent idéalisée ? N’a-t-elle pas quelques côtés sombres ?

Le blé en botanique


Les différentes variétés de blés actuels sont issus d’une longue série d’hybridations d’une graminée appelé triticum. Cette graminée est bien différente des blés actuels. Son épi se détache naturellement à maturité et disperse les grains en tombant. Ses grains sont par ailleurs pourvus de longues barbes qui captent l’humidité du sol et favorise un enfouissement naturel. Les blés modernes n’ont rien de tout cela, leurs épis tiennent sur la tige et les barbes ont quasiment disparu des grains. Ils ne peuvent se ressemer sans l’intervention humaine. Le triticum est une plante autoféconde, particularité rare en botanique, qui assure une grande stabilité du patrimoine génétique et facilite la sélection. Les grains du triticum sont de petite taille et ne contiennent pas de gluten. Ils ne sont donc pas panifiables. Le gluten des blés moderne provient d’un croisement avec une ou plusieurs autres céréales sans que l’on sache précisément lesquelles. Les conditions dans lesquelles ces sélections se sont faites restent à élucider même si l’intervention humaine est avérée. Il existe de nombreuses variétés de blé adaptées aux différentes régions et climats du globe. Les plus courants sont le froment ou blé tendre qui sert à la fabrication du pain et des produits boulanger et le blé dur destiné à la fabrication de la semoule ou des pâtes.

Le blé dans le monde


Le blé est aujourd’hui le végétal le plus répandu sur la planète. Il arrive au 4ème rang mondial en terme de production mais ravit la 1ère place pour la surface cultivée (216 million d’hectares de blé dans le monde contre 23 million seulement pour la canne à sucre qui est la 1ère production mondiale – chiffres FAO). Malgré son faible rendement, 3 tonnes à l’hectare contre 13,3 tonnes pour les légumes, c’est l’une des 2 céréales les plus consommée dans le monde, avec le riz.

Le blé nourriture


Hormis les tous premiers temps de l’ère agricole où le blé sauvage fut consommé tel quel ou juste broyé et sans cuisson par des chasseurs-cueilleurs semi-nomades (voir natoufien), le blé fut toujours consommé après transformation. La valeur nutritive apportée par le blé aux produits alimentaires dont il est l’ingrédient est modeste. Peu de lipides, un peu de protéines (essentiellement le gluten qui donne à la pâte sa plasticité) et beaucoup de glucides sous forme d’amidon, ce qui lui confère une intensité calorique assez élevée. Le pain contient en faible quantité quelques vitamines (E, B1, B2, B6), et quelques sels minéraux (magnésium, phosphore, potassium). Contrairement à une idée encore trop répandue les produits à base de blé et notamment le pain sont des nourritures plutôt malsaines pour plusieurs raisons.
La première est que la protéine principale présente dans le blé, le gluten, a une action corrosive sur les parois intestinales. Elle provoque une réaction inflammatoire qui détruit les villosités intestinales chargées d’absorber les nutriments pour les faire passer dans le sang. Cette affection, appelée maladie cœliaque (voir ici), entraîne à la longue une malnutrition malgré une alimentation normale, laquelle entraîne à son tour l’apparition de symptômes tels que des diarrhées alternant avec des périodes de constipation, des douleurs abdominales récurrentes, une perte de poids, de la fatigue et de l’irritabilité, une pâleur symptomatique de l’anémie, un état dépressif, des crampes musculaires, une infertilité, des engourdissements ou des douleurs neuropathiques dans les membres, des éruptions cutanées, des aphtes ou ulcères dans la bouche. Les symptômes sont nombreux mais diffus et se confondent avec ceux d’autres maladies, ce qui rend le diagnostic long et difficile à établir. Selon les statistiques officielles, elle toucherait environ 1% de la population mais elle est sans doute largement sous-diagnostiquée.
La deuxième raison est que les produits à base de blé sont transformés à haute température. Ces transformations provoquent des réactions chimiques en chaîne qui aboutissent à la synthèse de molécules difficilement assimilables voire toxiques. Sous l’effet de la chaleur, les glucides et les protéines se recombinent en divers composés moléculaires regroupés sous l’appellation d’A.G.E. Ces composés moléculaires s’agglutinent dans les tissus cellulaires (peau, veines, artères, organes vitaux) qui perdent alors leur élasticité et vieillissent prématurément (voir article A.G.E). Parmi ces composés, on a découvert récemment, en 2002, la présence d’acrylamide, un produit neuro-toxique connu pour être utilisé pour la fabrication, entre autres, de plastiques et de cosmétiques, à des concentrations jusqu’à 1000 fois supérieures aux normes admises pour son utilisation industrielle (voir article acrylamide).
La troisième raison pour laquelle les produits à base de blé sont malsains est que la dégradation du gluten, encore lui, ou de ses recombinaisons produit des peptides qui peuvent agir sur des récepteurs cellulaires sensibles aux opiacés, comme le font naturellement l’opium ou la morphine. Plusieurs études ont scientifiquement démontré que ces peptides opioïdes passent dans le sang et atteignent le système nerveux central. L’exposition prolongée à ces peptides opiacés semble avoir des effets néfastes, notamment sur les jeunes enfants et les personnes autistiques (voir ici). Elle induit les troubles du comportement caractéristiques des drogues : une addiction qui rend le sevrage difficile, des difficultés de concentration, de l’irritabilité notamment pendant les périodes de manque, etc. Suite à l’adoption d’un régime sans gluten, des comptes-rendus médicaux font état de rémissions partielles ou totales de pathologies telles que la sclérose en plaque, la schizophrénie, le syndrome de Tourette, le syndrome de fatigue chronique ou d’hyperactivité.

Le blé dans l’histoire


Le pain, les biscottes, les gâteaux, les pizzas, les pâtes, les céréales du petit déjeuner, tous ces produits qui constituent pour beaucoup une part conséquente de leur alimentation quotidienne contiennent des composés opioïdes en quantités, certes largement insuffisantes pour déclencher un « trip » mais suffisamment significative pour produire quelques effets psychotropes à savoir des modifications de la perception et des sensations ainsi que des variations de l’humeur et de l’état de conscience. A l’échelle de l’individu, ces altérations passent inaperçues tant elles sont subjectives. Mais qu’en est-il à l’échelle d’une société toute entière ? C’est la question que ce sont posé des chercheurs de l’université de Melbourne dans une publication parue en juin 1993 dans la revue « Australian Biologist » (voir ici en français). Les auteurs de cette étude, Gregg Wadley et Angus Martin font deux constats. Le premier est que là ou les grandes civilisations ont émergé, la culture des céréales a accompagné cette émergences : Le blé pour les civilisations du moyen-orient, de l’Egypte et de l’Europe, le riz pour les civilisations asiatiques, le maïs chez les amérindiennes. Le deuxième est la présence avérée d’opiacés, non seulement dans le blé, mais aussi dans le riz et le maïs ainsi d’ailleurs que dans la caséine du lait. Sur la base de ces faits, ils ont émis l‘hypothèse que ce sont les effets psychotropes de ces céréales et du lait qui ont amené les populations de chasseurs-cueilleurs à se sédentariser et cultiver la terre. Une hypothèse que certains trouveront osée, voire scandaleuse, mais qui reste scientifiquement plausible. En effet, le passage du statut de chasseur-cueilleur à celui d’agriculteur reste une énigme pour les chercheurs. Toutes les hypothèses qui invoquent des changements écologiques ou climatiques, une augmentation de la population, une raréfaction des ressources, ne résistent pas à l’analyse. Celles se référant à l’innovation technologique comme moteur de ce changement ne sont pas plus crédibles dans la mesure où la vie quotidienne du chasseur-cueilleur est beaucoup plus facile et agréable que celle de l’agriculteur condamné au labeur de la terre et à celui de la cuisine. Dans son livre « Nature contre culture » l’anthropologue Philippe Descolas analyse ce mystère, sans toutefois y apporter une réponse, à la lumière de l’étude des dernières populations de chasseurs-cueilleurs. Il constate que ces populations ont toutes les connaissances requises pour pratiquer l’agriculture ou l’élevage, mais ne le font pas. Il constate aussi que certaines d’entre elles fréquentent ou ont longtemps fréquenté d’autres populations agricoles, voire ont commercé avec elles, sans pour autant adopter leur mode de vie. Finalement Philippe Descolas conclut en affirmant que le passage de la chasse-cueillette à l’agriculture-élevage est le résultat d’un bouleversement ontologique, c'est-à-dire un changement radical dans la perception du monde. Cette conclusion provisoire est de plus en plus partagée par les anthropologues et les spécialistes de la préhistoire. Le fait est indiscutable, l’avènement de l’agriculture et de l’élevage coïncide avec une modification profonde des formes de pensées et l’apparition de concepts nouveaux. La relation hommes-femmes bascule singulièrement au détriment de celles-ci. La relation à la nature change elle aussi radicalement. La forêt auparavant hospitalière devient hostile, le rapport aux autres animaux change lui aussi. Autrefois considérés avec une certaine déférence, ils deviennent des sous-êtres dépourvus de toute sensibilité et de toute conscience. La violence virile prend une dimension primordiale générant un phénomène social extrême, inconnu jusqu’alors : la guerre. La notion de propriété, étrangère aux chasseurs-cueilleurs, devient prégnante dans les sociétés agricoles. Les plus anciennes fortifications connues datent des débuts de l’agriculture et servaient à protéger des champs de blé. Tous ces changements, si fondamentaux et structurants, se sont cristallisés au néolithique suite à une évolution des habitudes alimentaires. Et lorsque l’on découvre que ces nouvelles habitudes ont banalisé la consommation de substances opioïdes dès le plus jeune âge, on peut légitimement se demander si ce ne sont pas ces nouvelles habitudes qui sont la cause principale de ces changements.

Le blé et vous


Les effets indésirables du gluten, tant au niveau du système digestif qu’au niveau du système nerveux, atteignent tous ceux qui en consomment. Même si les cas pathologiques diagnostiqués ne sont pas très nombreux, ce problème touche tout le monde. Vos enfants se chamaillent tout le temps ? Ont des difficultés à se concentrer ? Sont agités ? Le gluten et le lactose sont présents dans presque tous les produits alimentaires industriels ou artisanaux : charcuteries, conserves, plats préparés, aucun rayon de supermarché n’est épargné. Adopter un régime sans gluten et sans caséine relève du parcours du combattant. Le moyen le plus sûr pour y parvenir est de s’approvisionner de nourritures non transformées : fruits, légumes frais, oléagineux, fruits de mer, œufs, viandes de bonne qualité, miels, etc. Le choix ne manque pas. Il demeure vaste malgré la standardisation alimentaire. Cela vaut le coup de sortir la tête des étiquettes d’emballages alimentaires pour s’intéresser davantage à ce que nous propose la nature. C’est aussi l’occasion de savourer ces nourritures qu’elle nous offre, prêtes à être consommées sans même qu’il soit nécessaire de les apprêter.


Gliadin, zonulin and gut permeability: Effects on celiac and non-celiac intestinal mucosa and intestinal cell lines.

Passeport santé : Intolérance au gluten (Maladie coeliaque)

Un comportement autistique : symptôme d’une sensibilité aiguë aux aliments

Régime sans caséine ni gluten

The origins of agriculture: a biological perspective and a new hypothesis
Traduction en français

samedi 24 mars 2012

Arrêter de fumer : Les fruits peuvent vous aider

Arrêter de fumer ? Il y aurait beaucoup de raisons de le faire : forme physique déclinante, teint terne, dents jaunies, sentiment de ne pas se respecter, de se faire du mal, d’être prisonnier de la cigarette. Il y a aussi le coût du tabac, tout cet argent perdu qui pourtant serait bien utile, et puis il y a ceux qu’on aime et qui subissent, le conjoint, les enfants. Mais arrêter de fumer demande de la constance et de la détermination. Les bonnes résolutions des lendemains de fête ne suffisent pas, il faut tenir dans la durée. La dépendance au tabac est forte, sans doute plus forte que certaines drogues illégales. Lors du sevrage, la sensation de manque envahi et parasite l’espace mental. Elle devient vite obsessionnelle. Alors pour résister on compense. Certains font du sport mais le plus souvent, la seule manière de compenser, la plus simple rapide et efficace, c’est de manger, de donner quelque chose à ce corps qui réclame, pour le faire taire, pour qu’il vous laisse en paix. C’est pourquoi beaucoup redoutent de grossir en arrêtant la cigarette, de tomber d’une addiction dans une autre.

Ce que réclame le corps, lors du sevrage, ce n’est pas seulement la dose de nicotine. L’arrêt du tabac crée une sorte de vide dans l’organisme jusqu’alors habitué à recevoir quotidiennement une charge de polluants toxiques. D’où cette sensation de légèreté dans premiers jours lorsque cette charge s’interrompt. Puis les choses se normalisent mais la sensation de manque devient prégnante et elle l’est d’autant plus que le corps entreprend spontanément de faire le ménage, d’évacuer les toxines accumulées, de réparer les dégâts, tout au moins de colmater quelques brèches. Ce travail entraîne des besoins nutritionnels supplémentaires en vitamines, oligo-éléments, sels minéraux, en lipides polyinsaturés, etc. L’alimentation ordinaire, celle des fast-foods comme celle des plats en sauce bien mitonnés peine à y pourvoir car la cuisson des aliments détruit la plupart de ces micronutriments. A la sensation de manque liée à la nicotine s’ajoute alors celle d’une faim liée à la non satisfaction de nouveaux besoins nutritionnels.

Pour combler ces besoins nutritionnels qui peuvent d’ailleurs être très différents d’un individu à l’autre, la meilleure solution consiste à privilégier les fruits frais et les légumes en crudité. Faire des repas de fruits, par exemple le soir, peut être un bon moyen d’apaiser, voire d’éradiquer les sensations de manque le lendemain matin. Un soir d’hiver ce peut être un ou deux avocats pour commencer, suivi d’une endive croquée tel quel et quelques oranges pour finir. Un soir d’été ce seront par exemple quelques tomates anciennes, un melon et des pêches qui feront le menu. Des repas simples, sans préparation, sans mélange ni assaisonnement, c’est la meilleure recette pour profiter pleinement des bienfaits de ces aliments et de leur pouvoir régénérant. Entre les repas, dans la journée, manger un fruit plutôt que de grignoter des barres chocolatées ou mâcher du chewing-gum, apaisera une sensation de manque sans attenter à votre silhouette. Vous constaterez sans peine combien la richesse nutritive des fruits et légumes crus (bio de préférence) est une aide précieuse pour traverser cette délicate période de sevrage tabagique. Vous le ressentirez par l’amélioration rapide de votre forme physique et de votre humeur. Vous vous sentirez mieux, libéré. Vous vous sentirez vous-même et c’est très bien comme ça.

Bon appétit.

Tabac info service

samedi 25 février 2012

Surpopulation : Nourrir 12 milliards d'êtres humains, est-ce possible ?

Face à l’inéluctable augmentation de la population mondiale qui devrait néanmoins se stabiliser vers 2050 autour de 12 milliards de terriens, se pose la question de la capacité de notre planète à nourrir autant de monde. L’ampleur des dégradations infligées à l’environnement et à la biodiversité par les activités humaines hypothèque l’avenir de nos ressources alimentaires. Seront-elles suffisantes ?
 
La faillite de l’agriculture industrielle

Il y a maintenant plus de 60 ans, grâce l’avènement de l’industrialisation agricole, on annonçait avec enthousiasme l’éradication prochaine de la faim et de la malnutrition dans le monde. Aujourd’hui, non seulement celles-ci n’ont jamais vraiment reculé, mais force est de constater que cette industrialisation s’est traduite, dans toutes les régions du monde où elle a été implantée, par une dégradation des sols et une réduction drastique de la biodiversité qui, a terme, se soldent par un accroissement de la malnutrition.
Du fait d’une mécanisation importante et de l’utilisation d’intrants issus de produits pétroliers, ce modèle agricole s’avère très dépendant du pétrole. Ainsi par exemple, la production d'un kg d'engrais azoté requiert l'équivalent énergétique de 1,4 à 1,8 litres de carburant diesel. Selon The Fertilizer Institute ( http://www.tfi.org ), sur la période d’un an allant du 30 Juin 2001 au 30 Juin 2002, les États-Unis ont utilisé 12 millions de tonnes d'engrais azotés. A raison de 1,4 litres de diesel pour 1 kilogramme d’engrais, cela représente 15,3 milliards de litres de carburant diesel, soit 96,2 millions de barils. Aux Etats-Unis 400 gallons d'équivalent pétrole sont dépensés par an pour nourrir chaque Américain (à partir de données fournies en 1994). Ces chiffres, donnés pour les Etats-Unis, sont valables pour toutes les régions du monde où l’agriculture industrielle a été adoptée. Cette dépendance aux énergies fossiles alourdit les charges d’exploitation qui, dans les années à venir, seront de plus en plus insupportables et ruineront de plus en plus d’agriculteurs.
Ces constats sont confirmés par des institutions nationales et internationales. Dans son étude Agrimonde publiée en 2010, l’INRA (Institut National de Recherche Agronomique) a déterminé deux scénarios d’évolution de l’agriculture. Le premier, appelé « scénario tendanciel », extrapole le modèle de production agricole actuel. Ce scénario prévoit une aggravation de l’impact écologique et un creusement des écarts régionaux. L’augmentation des prix du pétrole et la baisse de productivité des terres agricoles provoquera de fortes tensions sur les prix alimentaires, lesquelles attiseront la spéculation et entraîneront des émeutes de la faim. La réaction prévisible à court terme des gouvernements sera de contrer la spéculation. A plus long terme, constatant la faillite de l’agriculture industrielle, ils seront contraints d’adopter le deuxième scénario envisagé par l’étude Agrimonde. Ce scénario, appelé dans l’étude « scénario de rupture », privilégie les cultures vivrières et se caractérise par la recherche de solutions écolo-productives.

Dégradation des sols due aux activités humaines (source Word Soil Resources Report TERRASTAT)

De son coté l’IAASTD (International Assessment of Agricultural Science and Technology for Development, en français l’EISTAD pour Evaluation Internationale des Sciences et Technologies Agricoles pour le Développement), groupe de travail intergouvernemental, interdisciplinaire créé à l’initiative de la Banque Mondiale, dans son rapport publié en 2008, critique l’agriculture intensive qui réduit la biodiversité, lessive et pollue les sols, pointe les risques environnementaux et sociaux liés aux OGM, dénonce les brevets qui limitent la recherche, préconise l’agriculture biologique, affirme que la sécurité alimentaire des populations, notamment les plus pauvres, passe par le maintien voire le développement d’une agriculture paysanne et appelle à une réorientation de la recherche pour qu’elle s’intéresse davantage à l’étude des écosystèmes, aux interactions entre les différents végétaux et animaux qui les composent, à la façon dont ces milieux s’équilibrent plutôt que de se focaliser sur l’éradication de tel ravageur ou de telle maladie. Enfin, récemment le rapporteur de l’ONU sur l’alimentation affirmait que l'agro-écologie peut doubler la production alimentaire mondiale en 10 ans tout en préservant l’environnement. Selon lui, concilier productivisme agricole et performance environnementale permet ''d'obtenir des rendements beaucoup plus importants que l'agriculture conventionnelle''. Une telle déclaration peut surprendre. On la comprend mieux à la lumière des chiffres de la FAO : Aujourd’hui seuls 30% des surfaces agricoles disponibles dans le monde sont cultivées, les 70% restant sont des prairies et des pâturages.


Répartition des surfaces agricoles dans le monde


En Afrique et dans les régions du monde défavorisées le déséquilibre est encore plus flagrant puisqu’il avoisine les 20-80 contrairement à l’Europe où les terres cultivées occupent les deux tiers de la surface agricole. On voit donc, à la lecture de ces chiffres qu’il existe un potentiel d’amélioration de la production agricole considérable dans les pays du tiers monde. Mais cette amélioration se heurte à l’aridité parfois extrême des zones concernées, laquelle a été, dans les décennies passées, aggravée par la déforestation et l’industrialisation agricole. Ce potentiel n’est exploitable durablement qu’à condition de restaurer les sols par des techniques d’agro-écologie.

Vers un autre modèle agricole

Quels sont ces modes de culture à la fois productifs et écologiques qu’évoquent les experts et quel est leur secret ? Ce sont simplement des techniques agricoles qui font avec la nature plutôt que contre elle. Elles consistent à créer un équilibre écologique pour profiter des synergies biologiques en favorisant les associations végétales et en organisant les complémentarités entre le végétal et l’animal. Evidemment biologiques, les plus connues de ces techniques sont la permaculture, l’agro-foresterie, la culture sans labour, le BRF (Bois Raméal Fragmenté). Elles supposent souvent une refonte totale et globale de l’exploitation agricole que certains verront, à tort, comme rétrograde. Ainsi, la monoculture extensive, caractéristique de l’exploitation industrielle, cède la place à la polyculture d’autrefois. Le tracteur est parfois délaissé au profit de la traction animale, plus efficace dans un contexte de polyculture et qui participe, par son alimentation et ses déjections à l’entretien et la fertilisation des terres. Ces techniques culturales réhabilitent des pratiques ancestrales et les améliorent des connaissances scientifiques d’aujourd’hui. Elles sont performantes parce qu’elles s’attachent à créer les conditions les plus favorables à l’expression spontanée de l’exubérance de la nature.
Les exploitations agricoles qui adoptent ces techniques produisent beaucoup mais ne sont pas spécialisées. Un permaculteur est à la fois maraîcher, éleveur, apiculteur, arboriculteur, etc. Sur une surface très modeste et avec peu de moyens et peu de main d’œuvre il produit tout au long de l’année toutes sortes de fruits, légumes, œufs, volailles, fleurs, miels, viandes, etc. Son système de production ne cadre pas avec les attentes de l’industrie agro-alimentaire qui brasse de gros volumes. En revanche, ces exploitations peuvent s’intégrer dans le tissu urbain ou semi-urbain. Un hectare peut suffire pour subvenir aux besoins d’un quartier ou d’un bourg que l’on imagine quasiment autonome, non seulement pour son approvisionnement alimentaire mais aussi pour l’adduction d’eau, le retraitement des eaux usées (voir ici) et l’alimentation électrique. Les villes et les campagnes pourraient alors évoluer d’une manière tout à fait différente de ce qu’elles sont aujourd’hui, fonctionnant beaucoup plus sobrement et mêlant agriculture et élevage à des activités artisanales, industrielles ou de services. L’augmentation des coûts de transports et celle des prix agricoles liés à la raréfaction du pétrole ainsi que les aspirations des consommateurs à une alimentation saine et authentique devrait encourager cette évolution. Au modèle de production de masse centralisé et standardisé associé à un système de distribution mondialisé se substituerait, en partie au moins, un réseau d’unités de production réparties, de diffusion locale, plus propice à la biodiversité et sans doute plus apte à s’adapter au réchauffement climatique.

Autre agriculture, autre consommateur

Reste que la productivité de ces exploitations agricoles dépend aussi de ce que l’on y cultive. La culture de céréales produit environ 3,5 tonnes à l’hectare, contre 18 tonnes pour les légumes et 10 tonnes pour les fruits.

Répartition des terres arables par cultures dans le monde (données FAO 2010)
 

Composition du bol alimentaire (moyenne mondiale, données FAO 2010)

C’est ainsi que les céréales qui représentent moins d’un quart du bol alimentaire (23%) mobilisent à elles seules plus de la moitié des terres cultivées (54%) dans le monde. Les fruits et légumes qui constituent 39% du bol alimentaire n’en mobilisent que 19%. L’introduction des céréales dans l’alimentation humaine a transformé les paysages et continue de les transformer … en les appauvrissant. La Sicile fut le grenier à blé de la Grèce Antique et l’Egypte fut celui de l’Empire romain. Ces régions sont aujourd’hui … désertiques. "Le printemps silencieux" annoncé en 1962 par le fameux livre de Rachel Carson est devenue une réalité dans les campagnes françaises où les oiseaux et les insectes ont disparus, victimes de la lutte intensive contre les "nuisibles".

Originellement l’être humain moderne descend d’une très ancienne lignée frugivore, végétarienne et insectivore. L’introduction des poissons, coquillages et des viandes s’est opérée plus tardivement et progressivement, il y a plusieurs millions d’années. La consommation du blé, en tant que base alimentaire, est très récente, trop sans doute pour que notre système digestif y soit adapté. Elle date tout au plus de 10 à 12 mille ans pour la région du moyen orient, 5 à 8 mille ans pour l’Europe, quelques siècles, voire moins pour le reste du monde. A l’échelle de l’évolution humaine, l’adoption des céréales comme base alimentaire a la soudaineté d’un accident, lequel a bouleversé non seulement les habitudes alimentaires mais aussi les modes de vie et les rapports sociaux. Outre la sédentarisation et la naissance des premières villes, elle amène avec elle de nombreuses maladies jusqu’alors inconnues comme les caries dentaires dont on sait aujourd’hui qu’elles sont imputables à la consommation de céréales panifiées, mais aussi, et c’est plus surprenant, un phénomène social jusqu’alors rarissime : la guerre. Bien que relativement nourrissantes, les céréales ne sont pas des aliments dénuées d’effets néfastes sur la santé, notamment parce que les transformations importantes qu’elles subissent avant d’être consommées entraînent la formation de nombreuses molécules chimiques peu assimilables comme les A.G.E, voire toxiques comme l’acrylamide (voir ici). La même remarque s’applique au lait et produits laitiers même si elle concerne davantage les pays riches où la consommation y avoisine les 250 kg/personne/an, presque dix fois plus que celle des pays pauvres (29 kg/pers/an).


Composition du bol alimentaire en Europe et dans les pays peu développés (données FAO 2010)

Tout comme les cultures céréalières, l’élevage dégrade fortement l’environnement lorsqu’il est trop intensif et mobilise une part importante des surfaces agricoles. Et tout comme les céréales, l’adoption du lait et les produits laitiers est très récente au regard de l’évolution humaine. C’est sans doute la raison pour laquelle le lait de vache est mortel pour le bébé et est mal supporté par une proportion significative de la population. Alors que l’on vante dans les pays riches la consommation de lait comme indispensable pour assurer l’apport en calcium, il est surprenant de constater que la prévalence de l’ostéoporose est d’autant plus élevée que la consommation de produits laitiers est importante.

Eu égard aux impacts environnementaux de la production des céréales et des produits laitiers et compte tenu de leur effets discutables sur la santé, il est légitime de se poser la question de leur maintien à un tel niveau de production dans un monde de 12 milliards de bouches à nourrir. En faisant l’hypothèse que la consommation de céréales par habitant reste la même, la part de terres cultivées occupée par les céréales passerait de 54% à 85% en 2050. Cette hypothèse est d’autant plus intenable que les usages non alimentaires de surfaces agricoles sont appelés à croître du fait de la raréfaction des ressources fossiles. Les émeutes de la faim, justement liées à la montée en puissance de ces utilisations non alimentaires qui font grimper les prix, confirment l’impasse dans laquelle se trouve à la fois le modèle agricole industriel qui s’est répandu un peu partout dans le monde et les habitudes alimentaires actuelles. En revanche, en tablant sur une consommation de fruits au double de ce qu’elle est aujourd’hui et en faisant la même extrapolation à l’horizon 2050, la surface occupée par les vergers serait de 32% des terres cultivables.

Aujourd’hui, tous les experts s’accordent sur un constat : Nous ne mangeons pas assez de fruits et de légumes frais. Ce constat est valable pour les pays pauvre autant que pour les pays riches. (témoignage du professeur Luc Montagnier) Il confirme aussi l’intérêt du modèle d’agriculture écolo-productive qui donne les meilleurs résultats avec les cultures vivrières et arboricoles. Les quelques chiffres ci-dessus tirés des bases de données en libre accès de la FAO montrent clairement où se trouve l’impasse et où sont les solutions pour nourrir une planète de 12 milliards d’âmes. Adopter une alimentation plus proche de notre constitution génétique, ce n’est pas seulement une question de santé, de plaisir et de bien-être, c’est aussi soutenir et favoriser le développement d’une production agricole de qualité, régénératrice des milieux naturels et qui prépare un monde accueillant pour nos nombreux fils et filles à venir.


Notes et références

L’agriculture peut-elle nourrir le monde ? Jean-Paul Charvet, professeur émérite à l’Université de Paris Ouest Nanterre La Défense, dresse ici une vision de l’avenir de l’agriculture qui n’interroge pas la problématique de l’alimentation. La fuite en avant productiviste et le recours aux OGM sauveront-ils l’humanité granivore ? L’auteur l’espère.
http://www.cafe-geo.net/article.php3?id_article=1538

Alimentation dans la préhistoire : Ce site, consacré à l’évolution de l’homme, est bien documenté. Il montre que les plus anciennes lignées humanoïdes étaient végétariennes et insectivore. Les suivantes ont progressivement élargie leur palette alimentaire aux viandes et aux poissons.
http://www.hominides.com/html/dossiers/alimentation-prehistoire-nutrition-prehistorique.php

Agrimonde, prospective sur les futurs possibles des agricultures et alimentations du monde en 2050.
http://www.science.gouv.fr/fr/a-decouvrir/bdd/res/3893/agrimonde-prospective-sur-les-futurs-possibles-des-agricultures-et-alimentations-du-monde-en-2050/

Rapport Agrimonde : changeons d’alimentation !
http://www.neo-planete.com/2011/01/13/le-rapport-agrimonde-lhomme-va-devoir-modifier-son-alimentation/

L'agro-écologie peut doubler la production alimentaire mondiale en 10 ans, selon l'ONU. Concilier productivisme agricole et performance environnementale permet ''d'obtenir des rendements beaucoup plus importants que l'agriculture conventionnelle'', assure le rapporteur de l'ONU.
http://www.actu-environnement.com/ae/news/rapport-onu-agro-ecologie-rapporteur-alimentation-12110.php4

Epidémiologie et ostéoporose, démanteler les mythes
http://www.vegetarismus.ch/heft/f2001-3/osteoporose.htm 

Le livre de Thierry Souccar : Lait, mensonges et propagande
http://www.thierrysouccar.com/les_livres/nutrition/lait_mensonges_et_propagande

Portail des données statistiques de la FAO d’où sont extraits les chiffres cités dans cet article.
http://www.fao.org/corp/statistics/fr/