lundi 25 juin 2012

Nourrir la planète : Est-ce mieux ou pire en mangeant cru ?

Dans un précédent article sur ce blog (Surpopulation : Nourrir 12 milliards d’être humains, est-ce possible ?), dans lequel j’évoquais les impasses des systèmes de production alimentaire, notamment l’agriculture industrielle, j’ai eu l’occasion d’exposer quelques données intéressantes disponibles sur le site internet de la FAO. J’avais ainsi montré qu’aux conditions actuelles de consommation, la quasi-totalité des terres cultivées devraient être consacrées à la production de céréales pour subvenir aux besoins de 12 milliards d’êtres humains, ne laissant quasiment rien aux autres productions, ce qui est tout bonnement irréaliste. La conclusion qui s’imposait à cette démonstration était que l’adoption de méthodes de culture plus respectueuses de l’environnement ne suffira pas pour résoudre le problème et que les habitudes alimentaires devront nécessairement évoluer pour qu’il soit possible de nourrir tout le monde en 2050.

Les chiffres de la FAO permettent de se faire une idée des habitudes alimentaires. Le graphique ci-dessous, tiré de cet article en donne une illustration synthétique et met en relief les différences entres pays à hauts revenus et pays défavorisés.

Les européens consomment dix fois plus de produits laitiers, huit fois plus de viande, cinq fois plus d’alcool, trois fois plus de fruits que les populations de pays pauvres. Au total un européen mange davantage que deux africains dont le menu se compose essentiellement de céréales et de légumes. Les uns ont une alimentation carencée, peu diversifiée et, dans certaines régions, notoirement insuffisante, les autres ont une alimentation excessive et manifestement trop riche en graisses saturées et en sucre. Le régime des premiers est peu enviable, celui des autres n’est ni bon pour la santé ni tenable à long terme dans un monde qui voit sa population augmenter et ses ressources diminuer.

Selon les recommandations officielles en matière d’alimentation, nous devrions manger davantage de crudités et de fruits frais. Si elles étaient universellement respectées qu’en serait-il de la production agricole ? Permettraient-elles de nourrir 12 milliards de bouches ? La productivité des arbres fruitiers et des cultures vivrières est nettement plus élevée que celle des céréales mais cela suffirait-il ? A partir des chiffres fournis par la FAO, on peut extrapoler ce que donnerait en terme d’emprise sur les terres cultivables une augmentation de la consommation de fruits mais il est difficile de prévoir au détriment de quelle autre catégorie d’aliments se ferait cette augmentation et donc quelles emprises seraient ainsi libérées au profit de l’arboriculture fruitière. Il est par ailleurs périlleux d’évaluer la variation de l’emprise des cultures vivrières puisque les légumes se consomment tantôt cru, tantôt cuit. On ne peut donc rien conclure quand à la viabilité à long terme des recommandations alimentaires des autorités de santé. Pour le savoir, ou tout au moins avoir un début de réponse à cette question, la seule solution serait de faire des enquêtes de terrain consistant à comptabiliser les quantités d’aliments consommés par des populations ayant des habitudes alimentaires différentes. De telles enquêtes posent des problèmes de mise en œuvre qui peuvent se révéler complexes : Comment prendre en compte les quantités consommées au restaurant d’entreprise ou à la cantine scolaire ? Comment déduire des produits transformés (pizzas, plats cuisinés, conserves, etc.) les quantités de matières premières qui ont été nécessaires à leur élaboration ? Autant de questions qui ne se posent pas avec la même acuité lorsque l’on mange cru. La fréquentation des restaurants est assez rare et les approvisionnements ne concernent que des matières premières agricoles. Il est donc aisé, dans ce cas de figure, de déduire l’emprise agricole d’une personne qui mange cru, tout au moins dans la mesure où elle mange cru à 100%. C’est ainsi que m’est venue l’idée de comptabiliser mon approvisionnement familial pendant au moins un an, période minimale pour un cycle saisonnier complet. J’ai entamé cette collecte de données il y a environ deux mois. Chaque week-end, après les courses et lors de la livraison de nos commandes par correspondance, j’enregistre dans une feuille Excel les quantités ravitaillées. Une feuille simplissime, composée de trois colonnes : la première pour l’aliment, la seconde pour la date, et la troisième pour la quantité. Le but n’étant pas d’étudier l’apport nutritif des aliments, je ne distingue pas les variétés. Oranges blondes et sanguines ou demi-sanguines sont toutes regroupées dans la même rubrique "Oranges". De même pour les diverses variétés d’avocats, de dattes ou de miel. J’ai prévu une quatrième colonne pour y inscrire la provenance. Elle permettra d’estimer l’empreinte carbone de l’acheminement. Dans cette colonne je mets la mention "Cueillette" pour tout ce qui vient de mon jardin ou de cueillette dans la nature et la mention "Producteur" pour tout ce que j’achète directement aux producteurs locaux. Pour le reste j’inscris le pays d’origine pour les provenances européennes ou le continent pour les produits qui viennent de loin et sont acheminés par avion. Grâce à la fonctionnalité Excel de tableau croisé dynamique, une synthèse est automatiquement mise à jour sur une seconde feuille. J’ai ainsi un tableau de bord des quantités approvisionnées que je peux consolider par produit, par provenance, par date ou intervalle de date. Cette collecte de données est beaucoup plus simple que celle consistant à peser à chaque repas les quantités consommées. Elle ne prend que quelques minutes par semaine. Même si une petite partie des quantités enregistrées n’est pas consommée, notamment à causes de pertes ou qu’elle est consommée par des tierces personnes, des invités par exemple, ces chiffres reflètent bien ce dont dispose effectivement un foyer pour se nourrir et peuvent donc être comparés aux chiffres de la FAO. Il suffirait alors qu’un nombre suffisant de foyers participe à cette collecte d’informations pour en déduire l’empreinte agricole des personnes qui mangent cru et de là, estimer la viabilité écologique de ce type d’alimentation.

C’est pourquoi je lance un appel à vous, chers lecteurs parmi lesquels je sais qu’un certain nombre sont crudivores à 100%, parfois de longue date. Notez vous aussi vos approvisionnements dans une feuille Excel. C’est facile, peu contraignant, juste une habitude à prendre en revenant de vos courses ou au moment de faire vos comptes. Car cela peut vous être utile. Vous connaîtrez ainsi mieux vos consommations et donc vos besoins. N’êtes-vous pas curieux de connaître la proportion de fruits, de légumes, d’oléagineux, de viandes, de fruits de mer dans votre alimentation ? Il nous est parfois fait le reproche d’avoir un mode d’alimentation peu écologique en raison du recours à des produits exotiques acheminés par avion. Cette enquête vous permettra de calculer l’empreinte carbone de votre alimentation. Si vous avez un jardin, ces informations collectées patiemment vous permettront d’évaluer précisément la part de votre production personnelle et peuvent s’avérer précieuses pour choisir le nombre et les variétés d’arbres et de plantes à y cultiver afin d’assurer à toute votre famille une production à la fois diversifiée, suffisante et étalée.

Cliquez sur ce lien pour Télécharger un modèle de fichier Excel (au format Office 2007-2010) et commencez dès aujourd’hui la saisie de vos approvisionnements. L’utilisation de ce document Excel est simple :
  • Notez dans l’onglet Synthèse le nombre de personnes qui mangent cru à 100% ainsi que votre pays de résidence.
  • Notez dans l’onglet Données uniquement ce que vous destinez à la consommation crue. Si dans votre foyer certaines personnes ne mangent pas cru, ne comptez pas ce que vous achetez spécifiquement pour elles. Par exemple, ne comptez pas les pommes de terre ou les carottes que vous destinez au pot-au-feu, ni les tomates, poivrons et aubergines de la ratatouille.
  • Inutile de décompter les quantités de nourritures que vous destinez à être consommée crue que ces personnes ou des invités pourraient consommer. De même, inutile de décompter la nourriture perdue, même si, pour ne pas la jeter, vous l’avez fait cuire.
  • A l’exception des œufs qui seront comptés à la pièce, utilisez toujours le kilogramme comme unité de quantité et n’oubliez pas de convertir en kilo tout autre produit vendu à la pièce.
  • Arrondissez les quantités. La précision au gramme près n’est pas nécessaire.
  • Pour les fruits secs, notez le poids séché. Toutefois, dans la liste des produits, distinguez bien le produit séché du produit frais. Par exemple pour les figues vous pourrez avoir deux lignes, l’une pour les figues fraîches, intitulée "Figues" et une autre pour les figues séchées, intitulée "Figues séchées"
  • Si vous avez deux provenances pour un même produit, saisissez deux lignes distinctes. Par exemple si vous achetez deux barquettes de 250g de fraises d’Espagne et deux barquettes de 250g de fraises françaises, saisissez une ligne "Fraises", quantité "0,5", provenance "Espagne" et une autre ligne "Fraises", quantité "0,5", provenance "France".
  • Pour la provenance saisissez : 
    • "Cueillette" s’il s’agit de votre production personnelle, voire de la production offerte par un voisin, un ami ou la famille, ou s’il s’agit d’une cueillette faite dans la nature.
    • "Producteur" s’il s’agit de produit acheté directement au producteur, à la ferme, sur un marché, dans une AMAP.
    • Le pays d’origine pour les provenances du pays où vous résidez où des pays voisins
    • Le continent pour les produits de lointaine provenance et acheminés par avion.

Faites connaître votre participation à cette enquête en postant un message sur la liste de diffusion Manger-Cru (lien) ou sur la page Facebook Manger-Cru (lien).