samedi 31 juillet 2010

Solutions pour nourrir la planète : La nature ou les experts ?

Avec les beaux jours, je ne résiste pas à l’appel de la nature. La vie urbaine me paraît tout à coup pesante, sale, étriquée lorsque le temps devient plus clément, que le soleil incite à se dévêtir et que la nature s’épanouit somptueusement. Ce n’est pas la nature proprette et corsetée des jardins publics qui m’attire, ni celle morne et monotone des champs de blé mais la nature sauvage et indocile, abandonnée à elle-même, celle des herbes hautes, des frondaisons ombragées, des taillis tentaculaires, des bords de chemin encombrés de mauvaises herbes. Et même si je trouve à ces milieux quelque peu épargnés de la tutelle humaine ce charme qui est celui de la spontanéité de la vie s’exprimant sans consigne ni contrainte, ce n’est pas tant la beauté que j’aime, mais la générosité de cette nature qui donne, sans qu’on ne lui ait rien demandé, les meilleures nourritures. J’aime cueillir dans la nature, grimper sur l’arbre comme je le fis sans doute il y a longtemps sur les genoux de ma mère, pour gober ce fruit qui pend à ses branches, ou m’aventurer dans les jupes d’un taillis pour y happer ses baies. Je me sens alors exister, non seulement par le plaisir d’être là au milieu d’elle, mais aussi parce que je fais partie d’elle, au même titre que l’abeille qui butine, le mulot qui se terre, le chevreuil qui me fuit, le renard dont je n’ai pu voir que les traces près d’une flaque.
Chaque année, la nature me distille quelques uns de ses secrets : des plantes que je côtoyais sans les voir et qui se révèlent être comestibles ou médicinales, des baies sauvages dont j’ignorais l’existence et qui sont délicieuses, et chaque année je m’étonne de l’opulente prodigalité de cette nature livrée à elle-même. Grandit alors en moi ce sentiment qu’il n’est guère nécessaire de la maltraiter pour obtenir d’elle de quoi se nourrir. Un sentiment étayé par de nombreux témoignages qui fleurissent sur internet sur les alternatives au modèle agro-industriel. Parmi elles, la permaculture qui a tout particulièrement retenu mon attention, justement parce qu’elle consiste à obtenir beaucoup en intervenant peu. Cultiver la terre en lui laissant le temps de donner ce qu’elle peut donner, en respectant ses rythmes et ses contraintes et obtenir en contrepartie l’abondance, voilà une voie d’avenir pour nourrir la planète.

N’est ce là qu’utopie ? Non, je ne le crois pas. Je suis même tout à fait convaincu du contraire. N’est-il pas trop utopique de croire que l’on peut nourrir durablement la planète en la maltraitant comme le fait ce système agro-industriel qui privilégie l’avantage économique au détriment de tout le reste : pollution des rivières et des nappes phréatiques, algues vertes, problèmes sanitaires liés à une nourriture de qualité médiocre et à une surproduction de viande, impacts sur le réchauffement climatique, réduction de la biodiversité, disparition des abeilles, etc. ? N’est-il pas illusoire de croire que ce système, rentable pour quelques uns, ruineux pour tous les autres, ait quelque avenir ?

Connaissez-vous l’IAASTD (International Assessment of Agricultural Science and Technology for Development en français l’EISTAD pour Evaluation Internationale des Sciences et Technologies Agricoles pour le Développement) ? Dans le flot d’une actualité souvent déprimante, ni la création de ce groupe de travail en 2002, ni la publication de son premier rapport de synthèse en 2008 n’ont émergé dans les média. Ses conclusions sont pourtant d’une importance capitale pour l’avenir de ce monde. Jugez-en. Créé à l’initiative de la Banque Mondiale, il s’agit d’un groupe de travail intergouvernemental, interdisciplinaire et polyphonique impliquant des ONG, des entreprises, des instituts de recherche, des organismes internationaux comme la FAO, l’UNESCO, l’UNPD, etc.. Son but est d’être un outil d’aide à la décision pour tous les gouvernements et les décideurs de la planète. Son premier rapport dont la rédaction a mobilisé plus de 400 experts internationaux sur trois ans, est sans complaisance.
Il critique l’agriculture intensive, qui réduit la biodiversité, lessive et pollue les sols, pointe les risques environnementaux et sociaux liés aux OGM, dénonce les brevets qui limitent la recherche, préconise l’agriculture biologique, affirme que la sécurité alimentaire des populations, notamment les plus pauvres, passe par le maintien voire le développement d’une agriculture paysanne et appelle à une réorientation de la recherche. Selon ces experts, les rendements obtenus par l’agriculture intensive pourraient être égalés voire dépassés en agriculture biologique si la recherche s’intéressait davantage à l’étude des écosystèmes, aux interactions entre les différents végétaux et animaux qui les composent, à la façon dont ces milieux s’équilibrent plutôt que de se focaliser sur l’éradication de tel ravageur ou de telle maladie.

L’agriculture biologique, la biodynamie, la permaculture ainsi que de nombreuses techniques connexes comme la fertilisation par le BRF (Bois Raméal Fragmenté), la culture sans labour, la lutte intégré des ravageurs, la conservation et la diffusion de variétés anciennes, etc., toutes ces approches longtemps dénigrées, voire pour certaines refoulées dans l’illégalité, sont aujourd’hui considérées par les experts de l’IAASTD, non seulement comme pertinentes et efficaces, mais incontournables pour assurer la pérennité de l’approvisionnement alimentaire. A l’inverse l’agriculture intensive et tout le modèle économique basé sur la grande distribution sur lequel il s’appuie, jusqu’à récemment vantés comme LA solution, apparaît aujourd’hui comme LE problème à résoudre pour nourrir la planète.

Faire avec la nature et non contre elle. Tel est en définitive la démarche préconisée par ces experts. Ce n’est donc pas une utopie, la nature sait être généreuse et abondante pourvu qu’on la respecte. L’attrait qu’elle suscite par sa magnificence, par ses paysages grandioses, par son exubérance et ses richesses infinies doit nous rappeler qu’elle n’est pas là simplement pour le spectacle mais qu’elle est tout à la fois notre garde-manger et notre armoire à pharmacie, qu’elle nous offre gracieusement le gîte et le couvert.

Les biotechnologies modernes ne sont pas adaptées aux petits agriculteurs

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