vendredi 16 avril 2010

Solutions locales pour un désordre global : la réponse de Coline Serreau

En imaginant la confrontation de notre civilisation à une autre, extraterrestre certes, mais pacifique et sereine, Coline Serreau avait mis le doigt, dans son film "La Belle Verte", sur la futilité et l’immaturité de nos modes de vies. Mais plutôt que la critique sociale la principale originalité de ce film venait de ce que les extraterrestres incarnaient l’idéal d’une société apaisée, sobre et axée sur la qualité de vie, … et ils mangeaient cru. Signe que l’alimentation, dans l’esprit de l’auteur, est un marqueur déterminant du niveau d’évolution d’une société. Sans doute est-ce là l’une des motivations de Coline Serreau qui, pour ce nouveau film, a mis, provisoirement je l’espère, de coté la fiction et ses libertés pour un genre plus terre à terre : le documentaire.

La bande annonce du film :


Au-delà des constats sur l’état de la planète, consternants par ce qu’ils dénotent de l’avidité et de la myopie humaine, affligeants par l’ampleur des dégâts, déprimants par ce qu’ils révèlent des impasses de nos modes de vie modernes, Coline Serreau a choisi de nous démontrer que des solutions existent et nous fait entendre les réflexions de ceux qui inventent et expérimentent des alternatives.

Caméra au poing, Coline Serreau a parcouru le monde pendant près de trois ans à la rencontre de femmes et d’hommes de terrain, penseurs et économistes, qui expérimentent localement, avec succès, des solutions pour panser les plaies d’une terre meurtrie.

Avec de nombreux intervenants venus de tous horizons, la réalisatrice appuie les propos tenus par des images on ne peut plus explicites. On découvre l'agriculture bio en Inde et les paysans du Burkina-Faso apprenant à faire de l'engrais écologique. On va de la région parisienne au Maroc, en passant par le Brésil et ses paysans sans terre. Bref, on voyage, et à chaque lieu visité, une réponse au "tout-engrais" est apportée, propre, écologique, et surtout efficace.

Chaque personne interviewée apporte sa pierre à l'édifice, aucun intervenant ne vient gâcher l'ensemble du propos : les paysans sans terre du Brésil, Kokopelli en Inde, M. Antoniets en Ukraine… tour à tour drôles et émouvants, combatifs et inspirés, ils sont ces résistants, ces amoureux de la terre,

On retiendra particulièrement Claude et Lydia Bourguignon, des chercheurs qui ont quitté l'INRA pour mener leurs propres expériences sur le terrain, et qui ont une certaine faculté à démontrer par l'absurde que le chemin que nous avons emprunté pour la culture de nos sols est loin d'être le bon.

On y apprend mille choses, notamment que le déclin de l'agriculture remonte aux deux guerres mondiales (pour vous la faire courte, les soldats morts au front lors des deux conflits étaient en majorité des paysans, et les recherches menées pour les gaz de combat ont abouti aux insecticides et aux engrais que nous connaissons aujourd'hui), et que le sauvetage de notre monde passe par… les femmes. Oui, les femmes. Vous découvrirez pourquoi, mais sachez que le propos est très judicieux.

C'est l'histoire d'un tour du monde au ras de la terre, cette terre nourricière dont on s'est écarté et pourtant oh combien importante pour nourrir la planète ! Cette terre mise à mal par les semenciers, amaigrie, lessivée, dévitalisée... Et c'est l'histoire de ces hommes qui ont perdu le contact de la terre, en même temps qu'ils ont perdu leur bon sens.

C'est aussi de l'espoir ! La force d'un constat identique et partagé à des milliers de kilomètres par ces êtres humains qui, sans se connaître ni se concerter, disent tous la même chose. Et la force du témoignage sur des expérimentations de cultures naturelles qui réussissent partout dans le monde, qu'il nous faut découvrir et développer, parce qu'elles redonnent ses valeurs inestimables à la terre, et rendent aux peuples leur autonomie alimentaire.

Entretien avec Coline Serreau :