Depuis une quinzaine d’année, la bataille fait rage entre pro et anti-OGM. Les uns dénonçant les dangers pour la santé et l’environnement, l’irresponsabilité des multinationales et de leurs apprentis sorciers, les autres fustigeant le refus du progrès et de la modernité, l’agitation de peurs irrationnelles, un obscurantisme anti-science, les pratiques de voyous des faucheurs volontaires. Avec l’étude que vient de publier Gilles-Eric Séralini dans la revue internationale « Food and Toxicologie », les anti-OGM n’ont peut-être pas encore gagné la guerre mais sûrement une bataille importante, voire décisive.
Ce que l’on apprend de l’histoire de cette étude est édifiant : trois ans dans le plus grand secret, dix personnes au courant, emails cryptés, téléphones portables désactivés lors des réunions, fausse étude pour brouiller les pistes. Tout a été fait pour prendre le contre-pied des études menées précédemment : Celle-ci n’est pas financée par l’industrie semencière mais par des fondations et des entreprises non liées aux OGM. La durée d’exposition des rats n’a pas été limitée à trois mois, mais étendue à toute la durée de vie du rat, c'est-à-dire deux ans. La toxicité a été évaluée, non pas sur quelques critères biologiques opportunément choisis mais sur plus d’une centaine. Les données brutes ne sont pas classées secret industriel mais mises à la disposition de la communauté scientifique. Les protocoles scientifiques ont été scrupuleusement respectés, ce qui n’est pas toujours le cas des études des industriels qui assènent des résultats difficilement vérifiables.
Avec cette étude apparaissent au grand jour les manœuvres dilatoires des industriels pour imposer coûte que coûte les OGM dans le monde avant que la vérité sur leur toxicité n’éclate. Ils étaient sur le point d’y parvenir puisque l’Europe s’apprêtait à alléger les formalités de mise sur le marché des semences OGM en les alignant sur les plantes non OGM. Les résultats de cette étude viennent à point nommé pour stopper cette proposition.
Les conséquences de cette étude ne se limitent pas l’évaluation de toxicité des plantes OGM mais s’étend à celle des produits chimiques utilisés en agriculture et notamment les désherbants et les insecticides. En effet, outre l’évaluation d’un maïs OGM, l’étude a aussi porté sur la toxicité à faible dose d’un désherbant, le Rondup. L’opinion publique est depuis quelques années déjà soumise régulièrement à des révélations sur les dangers de produits chimiques présents dans les produits alimentaires industriels. Malgré diverses études scientifiques démontrant des effets néfastes de ces produits à faible dose, les modes d’évaluation de leur toxicité n’ont pas été modifiés. L’impact médiatique de l’étude Séralini pourraient bien obliger les instances de contrôle à relever leur niveau d’exigence pour tous les produits chimiques utilisés dans l’alimentation ou en contact avec des produits alimentaires.
Certes il faut rester mobilisé. Les puissantes multinationales de la chimie et de la génétique, n’ont sans doute pas dit leur dernier mot. Mais avec cette étude, la science a changé de camp. En révélant la vérité des faits dans toute leur rigueur scientifique, elle a aussi fait la lumière sur les manipulations des zélateurs des OGM et décrédibilisé le discours scientifique derrière lequel ils s’abritaient. Ce sont eux qui aujourd’hui se voient taxés d’anti-science, non pas par obscurantisme, mais par cynisme et appât du gain, ce qui est criminel.
La modernité et le progrès aussi sont en train de changer de camp. En effet, les OGM et les produits chimiques sont conçus pour une agriculture industrielle qui a sans doute fait des miracles il y a un demi-siècle mais qui a montré depuis ses limites et surtout ses effets pervers sur l’environnement, les ressources en eau et la biodiversité. Promouvoir les OGM, c’est promouvoir un modèle agricole obsolète, de plus en plus contesté et que la raréfaction du pétrole rend de moins en moins viable. L’avenir est désormais celui d’une agriculture diversifiée qui valorise l’écosystème pour en tirer parti.
Cette évolution prépare opportunément le terrain pour une prise de conscience plus large encore. En 2013 devraient être publiés les résultats du deuxième programme quinquennal de recherche HEATOX, financé par la communauté européenne, sur les molécules synthétisées par la cuisson des aliments. Après la découverte en 2002 d’une molécule toxique, l’acrylamide, issue d’une réaction chimique lors de la cuisson, dans des aliments de consommation courante, tels que le pain, les biscuits, le café, l’union européenne a lancé un vaste programme de recherche scientifique. Les résultats du premier programme de cinq ans ont confirmé la présence de cette molécule et révélé plusieurs centaines d’autres produites elles aussi par la cuisson et susceptibles d’être tout aussi néfaste pour l’organisme.
Seule la révélation de faits scientifiquement établis pourra libérer l’humanité des attraits de la cuisson et de la transformation des aliments. Quand bien même ceux qui ont sauté le pas témoignent du plaisir qu’ils prennent en mangeant cru, ce sont bien le souci de préserver sa santé ou celle de ses proches. Et pour ce qui est de savoir ce qui est bon pour la santé, la vérité scientifique est la plus crédible.
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