dimanche 28 mars 2010

Trouver les meilleurs aliments : Une expérience amusante

Voici une expérience simple et instructive qui devrait vous intéresser, même si vous ne mangez pas encore cru. Préparez quelques échantillons d’aliments : D’une part avec des aliments manufacturés, par exemple du Nutella, ou du Yoplait ou encore de la moutarde et d’autre part avec des fruits ou des légumes frais, par exemple une tranche de pomme, de poire ou d’ananas, bananes, orange, kiwi pour les fruits, quelques tranches de concombres, ou de poivrons, un morceau de choux fleur pour les légumes. Placez les échantillons dans des coupelles ou des ramequins. Faites en sorte de disposer d’une dizaine de fruits et légumes différents et de quatre ou cinq aliments manufacturés soit au total une quinzaine d’échantillons tous différents. Pour la suite de l’expérience vous aurez besoin d’un comparse. Il vous bandera les yeux, vous fera sentir l’un après l’autre les différents échantillons et notera vos réponses car pour chacun d’eux, vous devrez deviner de quel aliment il s’agit. "Fastoche", pensez-vous. Essayez, vous verrez que ce n’est pas si évident.


Il y a fort à parier que vous aurez pas mal de difficultés à identifier les aliments crus, alors qu’a l’inverse, vous serez assez juste pour les aliments manufacturés. Et si vous refaites l’expérience plusieurs fois dans la même journée, par exemple le matin à jeun et juste après le repas de midi vous devriez constater des différences très nettes.

Quelles conclusions tirer de cela ? D’abord que les aliments manufacturés ont une odeur plutôt stable. A l’inverse notre perception des odeurs pour les aliments non transformés varie beaucoup. Mais comment expliquer cela ?
Pour les industriels de l’agroalimentaire, l’identité olfactive et gustative est tout aussi importante que l’identité visuelle. Ils font donc tout pour que leurs produits aient un goût et une odeur stable qui apporte toujours la même impression de satisfaction quels que soient les besoins nutritionnels du consommateur. En revanche pour les aliments crus, c’est la nature qui s’exprime. En effet manger cru correspond au mode d’alimentation de tous les êtres vivants qui puisent leur nourriture dans la nature. Dans ce contexte, la sélection naturelle élimine les espèces les moins bien adaptées à leur environnement, celles notamment qui ne se nourrissent pas correctement en choisissant mal les aliments qu’ils trouvent dans la nature ou en les consommant de façon exagérée. Tous les êtres vivants sont donc équipés de mécanismes de régulation leur permettant de distinguer ce qui est consommable sans danger et d’éviter de consommer au-delà de ce qui est nécessaire. Les observations de Sabrina Krief sur le comportement des chimpanzés lors de leur réintroduction dans leur milieu naturel illustrent bien l’existence de ces mécanismes de régulation. Bien qu’élevés en captivité et habitués à une nourriture artificielle depuis leur naissance, bien que privés de tout contact avec d’autres chimpanzés sauvages, ces animaux ont été capable de trouver rapidement les plantes susceptibles de subvenir à leurs besoins nutritionnels dès lors qu’ils ont été livrés à eux-mêmes dans leur environnement originel. Sabrina Krief a par ailleurs constaté qu’ils étaient même capables d’utiliser des plantes médicinales pour se soigner. Ce guidage nutritionnel précis s’explique par un lien fort entre sensations olfactives et gustatives et besoins de l’organisme. Ainsi le fait qu’un aliment sente bon, qu’il ait une odeur alléchante signifie que l’organisme le recherche, qu’il a besoin des nutriments de cet aliment. A l’inverse le fait qu’il ne sente rien ou que l’odeur soit désagréable signifie que l’organisme n’en a pas besoin. En transformant leur nourriture les humains se sont exonérés de ce lien à leurs dépens. En effet, plus l’alimentation est artificielle, plus elle pose des problèmes de santé. Les maladies sont toutes, à quelques très rares exceptions près, de civilisation. De nombreuses études ont montré que les humains préhistoriques et les peuples premiers en sont largement exempts. L’épidémie d’obésité qui frappe tous les pays ayant adopté le mode d’alimentation occidental témoigne de cette dégradation de l’état de santé des populations ayant une alimentation très artificielle.

Ce lien fort qui existe entre sensations olfactives et gustatives et besoins de l’organisme fait qu’avec les aliments crus, consommés tels quels, sans mélange ni assaisonnement, les saveurs et les parfums s’expriment d’une manière très particulière. Avec les aliments transformés le goût est non seulement stable mais il est aussi plutôt moyen. C’est comme une note de musique ou plutôt comme un son, toujours le même, toujours à la même hauteur, qui identifie en quelque sorte l’aliment. L’épice haut perché et strident dans les aigus, le fromage blanc très bas dans les graves et à peine audible. Lorsqu’un plat comporte plusieurs ingrédients on peut parfois sentir les notes différenciées de chacun d’eux. Cela donne une juxtaposition de sons-saveurs, plutôt disparate, voire cacophonique, même si parfois certains mariages peuvent être heureux. A l’inverse, les aliments crus ne donnent pas un son mais … rien, si le corps n’a pas besoin de cet aliment, ou alors une musique, s’il en a besoin, voire, si ce besoin est impérieux, une symphonie de saveurs avec ses rythmes, ses crescendos, ses harmoniques qui stimulent des émotions profondes et irradient tout votre être à chaque bouchée jusqu’au moment où elle s’achève, lorsque les besoins sont satisfaits. Car il y a une fin à cette faim et lorsqu’elle advient, vous sortez de table comme d’un concert, frémissant de bien-être, le corps imbibé de souvenirs gustatifs et rassasié.

C’est cette particularité des saveurs et des parfums crus qu’introduit l’expérience que j’ai évoquée au début de cet article. Essayez et n’hésitez pas à faire part de vos propres observations sur ce blog, notamment les différences de perception que vous aurez constatés aux différents moments de la journée.