Dans un article précédent, considérant les impasses auxquelles les habitudes alimentaires des pays nantis risquent de nous mener, je vous proposais d’évaluer l’impact écologique d’un régime alimentaire 100% cru tel que peuvent le pratiquer certaines personnes qui fréquentent ce blog. Il s’agit pour cela de noter les approvisionnements destinés à l’alimentation crue dans un document Excel pendant une période d’au moins un an afin d’avoir une estimation assez précise des quantités consommées et d’en déduire quel serait l’impact écologique si ce régime alimentaire devenait la norme.
Pour ce qui me concerne cela fait maintenant quatre mois que je note scrupuleusement tous mes achats. Sur une aussi courte durée les résultats ne reflètent pas exactement la réalité de ce qui a été consommé. En effet, la part très faible d’oléagineux certains mois s’explique par le fait que ces produits qui peuvent se stocker ne sont commandés que très irrégulièrement et souvent en quantité pour bénéficier de prix de gros. Après avoir converti les œufs de pièce en poids pour avoir des données cohérentes, voilà ce qui ressort de ces trois premiers mois. J’ai écarté le mois de mars parce que j’avais commencé ma collecte de données en cours de mois. Ce compte-rendu porte donc sur les mois d’avril, mai et juin.
Pour un foyer de deux personnes, une demie tonne de nourriture a été approvisionnée. En extrapolant on devrait obtenir une tonne par personne et par an. Selon les chiffres de la FAO, la quantité de nourriture disponible pour un européen est de 986kg. En termes de quantité de produits alimentaires disponibles, les deux modes d’alimentation ne devraient pas être très différents. Ce ne sera pas le cas en terme de production agricole. En effet, dans le décompte de la FAO apparaissent quelques produits transformés comme l’alcool, les huiles, le sucre et les produits laitiers. Aussi, si l’on se base sur les matières premières produites, les quantités devraient être nettement inférieures dans le contexte d’une alimentation crue par rapport à celui d’une alimentation cuite fortement transformée. Par voie de conséquence, on peut donc pronostiquer un avantage de l’alimentation crue en termes d’emprise de terres agricole.
Sur l’ensemble du trimestre, on constate que les fruits et légumes représentent les trois quarts de l’approvisionnement. Les produits animaux (viandes, poissons, œufs) ne représentent que quelques pourcents.
Répartition par catégorie de produits
Les variations saisonnières sont importantes et la palette alimentaire s’avère très diversifiée. L’est-elle davantage que dans le l’alimentation cuite ? Elle doit probablement être plus versatile. En effet, chaque mois, ce sont en moyenne plus d’une trentaine de matières premières végétales ou animales différentes qui composent la palette alimentaire : 37 en avril, 35 en mai et 34 en juin et, d’un mois sur l’autre, ce ne sont pas toujours les mêmes puisqu’au total sur l’ensemble du trimestre elles sont près de soixante (57). Si la variété des produits alimentaires est aussi importante en alimentation cuite qu’en alimentation crue, la variété des matières premières nécessaires doit en revanche être sensiblement moindre. Et si cette hypothèse est confirmée cela signifierait un avantage supplémentaire en faveur de l’alimentation crue dans la mesure où elle serait de nature à favoriser la biodiversité.
Répartition par produits sur le trimestre : le top dix
Répartition par produit sur le trimestre : les autres en % des 33% du graphique précédent
La part modeste des produits animaux est aussi un point favorable à mettre au crédit de l’alimentation crue même lorsqu’elle est non strictement végétarienne, ce qui le cas en l’occurrence.
La provenance est sans doute le point le moins propice à l’alimentation crue, surtout en période hivernale. Ici sur une période à cheval hiver-printemps on constate une part très importante pour l’Espagne. Ce pays et l’Italie représentent à eux seuls la moitié des approvisionnements. La France tient elle aussi une part conséquente, si bien qu’on peut dire que les deux tiers de l’approvisionnement se fait par camion sur des distances de l’ordre de 1000 km en moyenne. Une petite partie de l’approvisionnement se fait par bateau, notamment pour ce qui concerne les bananes et quelques autres produits peu fragiles et environ 25% proviennent de pays lointains et sont acheminés par avion.
Répartition par provenance
Voilà pour ce qui est des premières
constatations. Il est trop tôt pour en tirer autre chose que des
hypothèses. Nous verrons dans les mois qui viennent si les tendances
observées se confirment. Si de votre côté vous avez commencé
l’expérience, n’hésitez pas à m’en informer. La confrontation des
données peut apporter quelques enseignements intéressants.