jeudi 28 janvier 2010

Quel avenir pour notre système de santé publique ?


Allongement de la durée de vie, vieillissement de la population, déficits récurrents de l’assurance maladie, grippe aviaire ou H1N1, autant de défis auquel notre système de protection sociale, mis en place juste après la deuxième guerre mondiale, doit faire face dans un contexte de grave crise économique. Quel avenir pour ce système de santé qui garantit aujourd’hui un accès aux soins de qualité pour toutes les classes de la population ? Pourra-t-il perdurer dans un contexte économique dégradé ?

Les statistiques font parfois des télescopages surprenants. Ainsi l’espérance de vie qui, selon les chiffres de l’INED ne cesse d’augmenter. On vit plus vieux et plus longtemps en bonne santé semble-t-il. Les centenaires n’ont jamais été aussi nombreux qu’à notre époque et leur nombre ne cesse de croître. Pourtant, lors d’une conférence organisée à Washington par le Centre de contrôle et de prévention des maladies (CDC), Bill Clinton a jeté un pavé dans la mare en annonçant que "la jeune génération pourrait être la première de l’histoire à avoir une espérance de vie plus courte que celle de ses parents". Quelles réalités se cachent derrière ce constat paradoxal. ?

Affections de longue durée : la bombe

Tout d’abord le nombre de personnes malades est particulièrement élevé et ce nombre n’a pas tendance à diminuer, ni même à se stabiliser. Il est en augmentation constante et soutenue depuis plus de trente ans. En 2006, 7,7 millions de personnes en France étaient en affection de longue durée (ALD) et 14,9 millions en traitement chronique. Ces deux catégories représentent 40% des assurés sociaux. Les statisticiens expliquent cela d’une part par le baby-boom qui arrive aux âges où les maladies se déclarent le plus fréquemment, d’autre part par l’augmentation de la prévalence des maladies, c'est-à-dire par le fait qu’un certain nombre d’entre elles surviennent de plus en plus tôt. Un effet ciseau qui fait exploser le nombre de personnes concernées. De 7,7 millions de personnes en ALD en 2006, soit 265.000 de plus qu’en 2005, on est passé à 8 millions en 2007 soit 325.000 de plus qu’en 2006. D’après les études prospectives qu’elle a réalisées, la CNAM table sur environ 12 millions de personnes en ALD en 2015, soit une progression de plus de 4% par an, auxquels il conviendra d’ajouter les personnes sous traitement chronique qui sont aujourd’hui deux fois plus nombreuses que celles en ALD. On atteindrait donc les 36 millions de personnes malades, soit plus de la moitié de la population française. Jusqu’où ira cette progression ? La première lame du ciseau tiendra haut et ferme durant 30 ans, la durée du baby-boum. Quand à la deuxième, l’évolution de certaines pathologies comme l’obésité, facteur majeur de complications, notamment du diabète, ne permet pas d’augurer qu’elle s’émousse dans un proche avenir.

Malades certes, mais vivants

Malades certes, mais vivants. Ainsi peut-on résumer la situation. En effet, si beaucoup de personnes sont malades, la durée de vie ne diminue pas pour autant. De nombreuses avancées dans la prévention et le traitement des maladies permettent de les détecter plus tôt, de les stabiliser plus longtemps, voire d’en retarder l’échéance finale. Ainsi, par exemple, l’âge moyen de décès des personnes en ALD est passé de 71 ans en 1994 à 75 en 2004. Quatre années de gagnées en dix ans, c’est remarquable mais cela ne fait qu’acérer un peu plus l’effet ciseau car ce sont quatre années, non pas de vie normale, mais de maladie. C’est peut-être mieux que rien, mais ce n’est pas l’idéal. Il se peut même que certains patients préfèreraient qu’on n’éternise pas ainsi la durée de leur calvaire.


La non-santé : un coût exorbitant

C’est d’autant moins l’idéal que les soins coûtent cher. Le traitement des affections chroniques coûte à la sécurité sociale 1 600€ par an et par patient et celui des ALD près de 10 000€ la première année, se stabilise entre 3 000€ et 5 000€ les années suivantes et grimpe à 25 000€ l’année du décès. Certes on peut invoquer, avec quelque cynisme, la bonne santé du secteur pharmaceutique, médical et para-médical qui profite à plein de l’augmentation régulière des dépenses de santé, mais le coût de la maladie ne se limite pas aux seules charges remboursées. Il y a aussi les frais annexes engendrés par la maladie qui dépassent souvent le montant des remboursements tels que les aides à domicile, les équipements pour le handicap, les aménagements de l’habitat, les aménagements pour l’exercice professionnels, etc. Et il y a aussi le coût économique qui, bien que plus difficile à évaluer, est bien réel : absences au travail répétées et/ou prolongées, pertes d’exploitation, pertes d’emploi, baisses de productivité, etc. Ainsi pour le seul diabète, l’OMS chiffre le coût global à au moins 1% du PIB pour la région Europe. Aux Etats-Unis les experts estiment le coût global de l’obésité à 147 milliards de dollars par an. Une masse financière engloutie chaque année qui est supérieure à celle consacrée par ce pays à la conquête de l’espace en un demi siècle.

Des systèmes de santé à la dérive dans tous les pays développés

A la lecture de ces chiffres on comprend mieux le récurrent problème du déficit de la sécurité sociale. En Angleterre récemment un jeune alcoolique s’est vu refuser la greffe de la dernière chance parce que celui-ci ne pouvait donner des gages suffisant de sevrage. Sa mort a soulevé une vive émotion outre-manche. Si, dans le cas d’espèce c’est la rareté des greffons qui a motivé la décision du corps médical britannique, celle-ci est symptomatique de la cruauté des choix d’optimisation et de rationalisation qui, de plus en plus, risquent de s’imposer à l’avenir. Car quelle que soit l’analyse que l’on fait de la situation économique et des perspectives de sorties de crise, une évidence s’impose : nous vivons largement au dessus de nos moyens, c’est-à-dire au crochet du reste du monde et au-delà des possibilités de la planète. Telle qu’elle existe aujourd’hui dans nos pays, la santé est un luxe qui ne résistera pas à un retournement de fortune. Et lorsqu’il adviendra, il se traduira par des choix cruels, voire injustes.

Chute prévisible de l’espérance de vie

L’augmentation régulière de la durée de vie, toute réelle qu’elle ait été jusqu’à aujourd’hui, pourrait donc ne pas suivre les prévisions avancées par les spécialistes. Calculée sur la base des taux de mortalité actuels, elle ne tient compte ni de la dégradation générale de la santé de la population, notamment des plus jeunes générations, ni des moyens financiers consentis pour prolonger la vie et dont la pérennité n’est pas garantie. Tout le système de santé est d’ores et déjà soumis à des contraintes de gestion de plus en plus draconiennes. Il est dimensionné au strict minimum et tourne en permanence à plein régime, à la limite de la surchauffe. La canicule de 2003 l’a montré, un incident climatique a suffit pour le prendre à revers et déclencher une surmortalité soudaine qui a ému toute la France.

Un bilan écologique désastreux

La non santé n’a pas qu’un coût économique, elle a aussi un coût écologique. La maladie est devenue une industrie de masse qui, comme toutes les industries de masse, pèse lourdement sur les ressources naturelles et génère des pollutions de production au même titre que les industries automobiles ou électroniques. De plus, la multiplication des médicaments, la sophistication des traitements médicaux, les contraintes d’hygiène et de stérilisation sont pourvoyeuses de nombreuses pollutions d’exploitation : déchets hospitaliers abondants et dangereux, nécessitant un traitement spécifique, utilisation de produits chimiques en milieu hospitalier, déversement de molécules médicamenteuses dans des cours d’eau, utilisation de matériaux radioactifs, etc.


La "Knochisation" de la société

Et les patients dans tout cela. D’abord consommateurs, ils sont les acteurs anonymes de la marchandisation de la non-santé, otages d’une « knockisation » de la société, d’une mainmise de tous ceux qui, à l’instar du héros de Jules Romain, débordent des nécessités médicales en jouant sur les inquiétudes, les peurs ou les souffrances de leur clientèle pour mieux écouler leurs produits ou leurs services. Ainsi ceux qui prescrivent soins et médicaments contre le vieillissement, qui vendent des médicaments miracle comme le viagra, la pilule amincissante, les compléments alimentaires, ou des produits alimentaires dont la publicité affirme des vertus médicales "prouvées par des études scientifiques". Il y a aussi cette fébrilité suspecte qui s’empare du monde médical et des pouvoirs publics à l’annonce d’une nouvelle pandémie comme celle de la grippe A ou de la grippe aviaire. Le nombre de victimes de ces pandémies, ridiculement faible par rapport à celui des autres pathologies, est inversement proportionnel à leur impact médiatique et au climat de peur qu’il distille. Mais les enjeux économiques sont substantiels pour les laboratoires pharmaceutiques. Un vaccin contre une grippe est sans doute plus facile à mettre au point qu’un médicament contre le paludisme et doit rapporter gros.
Est-ce parce qu’il est trop souvent réduit à ce rôle de consommateur, le patient parfois se rebelle. Bien qu’il ne conteste pas les succès réels, nombreux et spectaculaires de cette médecine, il ne se sent pas toujours en phase avec elle. Il se prend à douter de la pertinence des traitements, constate qu’elle reste impuissante à soulager certaines de ses souffrances, et parfois, se tourne vers les médecines alternatives dont l’audience ne cesse de grandir.

La solution passe par la réduction de la fréquence des maladies

Le constat qui découle de ce rapide état des lieux de la non-santé est implacable : tels qu’ils existent aujourd’hui les systèmes de santé des pays développés ne sont pas durables. L’idéal égalitaire de l’accès aux soins pour tous qui prévaut en France ne résistera pas aux poussées inflationnistes de la morbidité. Pour rétablir l’équilibre et pérenniser notre système de santé on n’a guère d’autres choix que d’agir sur ces deux variables : la fréquence de survenue des maladies et le coût des soins.

Jusqu’à présent, c’est sur cette dernière que se sont portés les efforts : rationalisation des dépenses, chasse aux gaspillages, restructurations des hôpitaux, réorganisation de leur répartition géographique. Cela ne suffisant pas, c’est désormais sur le dos des patients que se font les économies : déremboursement de certains médicaments, augmentation du forfait journalier, restriction de la prise en charge de certaines pathologies, etc. Malgré les protestations, ce mouvement ne fera que s’amplifier : diminution des effectifs, diminution du nombre de lits, non prise en charge de maladies, etc. L’accès aux soins pour tous ne sera bientôt plus qu’un souvenir. Seuls ceux qui pourront payer pourront se soigner.

Pour contrer ce funeste destin, la seule solution sera d’agir efficacement sur l’autre variable : la fréquence des maladies. Depuis toujours, la maladie a été perçue comme une fatalité. C’est encore le cas aujourd’hui même si chacun reconnaît que l’alcool, le tabac, les drogues en général et l’alimentation en particulier ont une incidence dans la survenue de nombre d’entre elles. Mais force est de constater que l’importance de ces facteurs, notamment l’alimentation, est largement sous-estimée, contrairement au fatalisme qui persiste dans les esprits.

De nombreuses données scientifiques contredisent pourtant cette idée reçue. La paléopathologie, science qui traque sur les restes humains les traces laissées par les maladies, nous apprend que celles-ci sont de civilisation, c’est-à-dire qu’elles sont concomitantes de leur développement. Il est par exemple surprenant de constater l’absence quasi-totale de pathologies au paléolithique et leur émergence explosive dès le début de la néolithisation : caries dentaires, tuberculose, arthrose, etc.

De nombreuses autres données scientifiques mettent en cause une habitude encore très ancrée bien que particulièrement néfaste : la cuisson, notamment les cuissons à haute température (voir ici
et )
Cette habitude conduit à consommer des aliments bourrés de molécules chimiques aux effets délétères sur l’organisme. Elle constitue le facteur environnemental prépondérant dans la survenance des maladies, très loin devant la pollution de l’air, les ondes radios ou la radioactivité, même si ces facteurs ne sont pas à négliger.

On ne cassera pas la spirale inflationniste des dépenses de santé sans changement profond de nos habitudes alimentaires. L’artificialisation à outrance de notre alimentation est une impasse tragique. Un retour massif aux crudités, aux fruits et légumes consommés nature est nécessaire. Même le cru intégral doit être encouragé car ses effets thérapeutiques sont très puissants mais peu connus. Ils gagneraient à être pris en considération et mis à profit pour renforcer l’efficacité des traitements médicaux.

Les grandes lignes d’une politique de santé pour sortir de l’impasse

Tous les efforts pour maintenir un système de santé égalitaire sont inéluctablement voués à l’échec sans un retour à une alimentation nature, pas simplement bio ou "naturelle" en ce sens qu’elle serait moins industrielle, mais une alimentation qui fait la part belle au manger cru. C’est la seule solution pour diminuer sensiblement le taux de morbidité de la population et permettre un retour à un système de santé raisonnablement coûteux, accessible à tous même aux plus défavorisés.
Cela implique une stratégie transversale des pouvoirs publics qui intègre non seulement la santé mais aussi l’agriculture, l’éducation et la recherche : restructuration des filières agricoles pour favoriser les productions vivrières et fruitières, réorientation des subventions agricoles vers ces filières, amélioration de la qualité notamment par le bio, diversification des variétés cultivées, notamment par le redéploiement des variétés rustiques ou anciennes qui nécessitent souvent moins d’entretien, fruits frais et crudités systématiquement au menu dans les cantines des écoles de la maternelle au lycée, information du public quand aux effets néfastes pour la santé de la transformation et la cuisson des aliments, exonération de la TVA pour les produits alimentaires frais et non transformés et augmentation pour les produits transformés les plus nocifs, tels que les barres chocolatées, les sodas, les crèmes desserts, les crèmes glacées, les fast-foods, poursuite et intensification des recherches scientifiques sur les effets de la cuisson sur l’organisme et lancement de programmes de recherches ambitieux pour étudier les effets préventifs, voire thérapeutique, des aliments crus, etc.
Les économies qui résulteraient de l’application d’une telle politique volontariste de santé publique seraient telles que, non seulement les équilibres budgétaires seraient rétablis, mais une amélioration de la couverture santé serait possible même avec une baisse des cotisations sociales.

L’espérance de vie : une animation pédagogique proposée par l’INED

L’obésité sur Wikipédia

Aux Etats-Unis, l’obésité diminue l’espérance de vie des jeunes

Obésité : la menace d’une épidémie mondiale

États-Unis : le nombre d’obèses chez les seniors ne cesse d'augmenter

Etats-Unis : L'obésité coûte de plus en plus cher

Cout de l’obésité

Les infections respiratoires (Medicare USA)

Base de données Eco-Santé

La santé des français

OMS : L’obésité avale une part croissante du PIB en Europe : celle-ci atteint presque 1 % et la tendance se confirme

OMS : Coût du diabète

AMELI : Coût du diabète en France

Le Point : Dis, c'était quoi la Sécu ?

1 commentaire:

  1. Avant 1945, tous les produits en Europe étaient bio. Les pesticides ont été apportés par les Américains en même temps que la paix. C'est après 1945 qu'a commencé l'usage de la chimie dans l'agroalimentaire.

    Tous les centenaires d'aujourd'hui sont des gens qui ont vécu leurs 35 premières années avec du bio uniquement, et surtout les 10 premières années de la constitution de leur organisme.

    De 1945 à 1965, le bio se raréfie de plus en plus, et les enfants de 10 ans qui n'ont connu aucun bio sont défavorisés et peu susceptibles de devenir centenaire.

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