Longtemps on a attribué à la cuisson toutes sortes de vertus. Celle de faciliter la digestion des aliments, celle de les rendre plus assimilables, celle encore de détruire les toxines ou les germes, etc. Il y a quelques années encore on allouait au système digestif la capacité de ne laisser passer que ce qui est assimilable par l’organisme et qu’en conséquence, grâce à cette barrière intestinale, il n’y avait aucun risque à transformer ses aliments. Ces croyances se sont écroulées les unes après les autres.
Dés le début du 20ème siècle les progrès réalisés dans la connaissance et l’analyse du système sanguin ont mis à jour le phénomène de la leucocytose digestive qui est une réaction de défense du système immunitaire face à l’invasion massive de molécules indésirables traversant la paroi intestinale suite à la consommation d’aliments cuits ou transformés. Cette découverte a suffi à terrasser définitivement le mythe de la barrière intestinale. Mais plus récemment on a aussi constaté l’absence de ce phénomène après l’ingestion d’aliments crus. Cela démontre d’une part que cuits, mélangés ou transformés, les aliments contiennent des agents, sinon toxiques du moins agressifs pour l’organisme, d’autre part que crus, ils ne contiennent pour l’essentiel que des nutriments compatibles et bien acceptés par l’organisme.
Certes, dans quelques rares cas, la cuisson peut éliminer certains composés parfois considérés comme pouvant être toxiques à haute dose comme par exemple l’acide oxalique des épinards, mais la cuisson, le broyage, les mélanges provoquent de multiples réactions chimiques qui produisent des milliers de substances différentes dont bon nombre ont des impacts sanitaires négatifs avérés. Dans les années 70 on a découvert la présence de furanes qui se synthétisent sous l’effet de la chaleur dans les aliments tels que le chocolat. Jusqu’en 2003, personne n’imaginait qu’un produit très toxique, l’acrylamide, fabriqué et utilisé industriellement, puisse être spontanément synthétisé par la cuisson et se retrouver, à des doses jusqu’à 1000 fois supérieures aux doses admissibles pour son usage industriel, dans des aliments aussi ordinaires que le pain, les biscottes, les gâteaux secs, les chips, le café, les arachides grillées, les gâteaux apéritifs, etc. La prédigestion supposée de la cuisson n’est en réalité qu’une succession de réactions chimiques complexes entre protéines, lipides et glucides qui produit des composés chimiques, appelés AGE pour Advanced Glycation End-product dont les effets sont délétères. Ces molécules, à l’origine de la leucocytose digestive, pénètrent dans les cellules et les étouffent, s’accumulent dans les espaces intercellulaires, se soudent les unes aux autres et bouchent les artères ou les veines, provoquent des surcharges pondérales et le vieillissement prématuré des tissus, nécrosent les vaisseaux sanguins, entretiennent les états inflammatoires et sont responsables de nombreuses affections.
Face à cette accumulation de charges, les pouvoirs publics commencent à se mobiliser. La commission européenne a, par exemple, lancé en 2003 le programme HEATOX, pour étudier les effets de la cuisson des aliments. Les Etats-Unis et le Canada ont lancé des programmes similaires bien que moins ambitieux. Les recherches menées dans le cadre du programme HEATOX ont confirmé la présence et la toxicité de l’acrylamide dans les préparations alimentaires les plus courantes et identifié plus de 800 autres molécules issues de la cuisson dont une cinquantaine fortement suspectées d’être aussi toxiques que l’acrylamide.
Il aura donc fallu plusieurs millénaires pour que l’on commence à prendre toute la mesure des conséquences sanitaires d’une pratique que l’on croyait innocente : La transformation des aliments. Il est une croyance répandue qui veut que la très grande capacité d’adaptation que l’on observe chez l’être humain dans de nombreux domaines, s’applique aussi à son alimentation. Hélas, toutes les études un peu fouillées le confirment, quelque soit la valeur culturelle des habitudes alimentaires, la physiologie humaine n’est manifestement pas adaptée à une alimentation transformée. Une telle alimentation soulève de nombreux problèmes de santé publique que les dérives actuelles de l’industrie agroalimentaire ont exacerbés au point de mettre en état de quasi faillite les systèmes d’assurance maladie de tous les pays développés. L’artificialisation à outrance de l’alimentation a un coût économique de plus en plus insupportable. Aux Etats-Unis le poids financier de l’obésité et du diabète dépasse, chaque année, la totalité des sommes investies dans la recherche spatiale depuis plus de cinquante ans qu’elle existe. Et ce coût ne cesse de s’alourdir. Plus de la moitié des américains sont obèses et les européens suivent le même chemin.
Les vertus insoupçonnées des végétaux non transformés
En parallèle à ces découvertes sur les méfaits de la transformation des aliments, d’autres recherches, encore trop rares, mettent en évidence les effets protecteurs voire curatifs des diverses parties consommables des végétaux (racines, tige, feuilles, fruits) et des animaux (poissons, crustacés, œufs, viandes) , effets généralement perdus après leur transformation. Ainsi, certaines vitamines sont détruites par la cuisson des légumes. L’adjonction de vitamines de synthèse comme cela se pratique couramment dans les conserveries industrielles ne suffit pas à compenser cette perte nutritive qui, à long terme, induit des carences. Selon l’ARC, les effets protecteurs, notamment contre le cancer, des fruits frais, liés aux antioxydants qu’ils contiennent, ne se retrouvent pas avec les antioxydants pris en compléments alimentaires à base d’extraits de fruits. Ces compléments alimentaires sont même soupçonnés de contrarier les traitements anticancéreux.
Ces études mettent en lumière un fait jusqu’à présent ignoré ou tout au moins mésestimé : Les nutriments contenus dans les végétaux sont bien plus nombreux que les quelques vitamines, minéraux ou oligo-éléments actuellement répertoriés et les processus d’assimilation de ces divers nutriments sont encore en grande partie méconnus. On ne sait pas grand-chose des interactions qui se produisent entre ces micro-nutriments et l’organisme lors de l’ingestion et la manière dont l’organisme utilise ces nutriments. Paradoxalement, on en sait davantage sur les effets néfastes de la transformation des végétaux que sur leurs propriétés nutritives et leurs multiples vertus à l’état brut. Cette ignorance cultive le manque d’attention portée à ce sujet d’importance en terme de santé publique.
Autre facteur supplémentaire et déterminant en faveur d’une alimentation crue
Des études scientifiques récentes ont mis à jour des mécanismes de régulation de la prise alimentaire et en ont décrypté le fonctionnement. Diverses expériences, menées notamment à l’Institut du goût de Dijon, ont montré que les perceptions olfactives et gustatives ne sont pas toujours stables mais peuvent varier sensiblement selon l’état de l’organisme. Avec des aliments consommés crus, cette variabilité s’observe d’une manière tangible et précise alors qu’avec les aliments cuits ou transformés elle devient beaucoup plus floue. Ces observations montrent qu’en présence d’aliments crus l’organisme réagit et influence notre comportement en rendant plus ou moins attractifs et agréables les aliments selon qu’ils correspondent ou non à nos besoins nutritionnels. En revanche, dès lors qu’ils sont apprêtés, cuisinés, mélangés, les multiples composés aromatiques synthétisés, la présence de substances chimiques artificielles et les saveurs particulières propres à l’univers culinaire déroutent et troublent les mécanismes de régulation qui n’orientent plus correctement nos comportements vers les aliments qui nous sont le plus nécessaires. En effet, ces mécanismes de régulation sont très anciens, inscrits dans la partie la plus ancienne de notre cerveau : le cerveau reptilien. Ils se sont mis en place et affinés au cours de millions d’années d’évolution dans un contexte pré-culinaire. La cuisson et la transformation des aliments, qui ne datent que de quelques millénaires, dix tout au plus, sont beaucoup trop récentes pour que notre génétique s’y soit adaptée. C’est ce qui explique que les mécanismes de régulation ne fonctionnent vraiment bien qu’avec les aliments consommés crus, non mélangés, ni assaisonnés.
Ceux qui n’ont pas encore l’habitude de manger cru s’étonnent parfois d’apprendre que le goût d’un aliment puisse varier. Il suffit pourtant de manger cru suffisamment souvent des légumes ou des fruits pour s’en rendre compte. Les variations de goût de certains aliments sont particulièrement nettes et rapides : l’ananas, la figue, ou le miel par exemple peuvent être succulents puis tout d’un coup brûler la langue empêchant derechef tout excès. La régulation de la prise alimentaire par le cru présente de nombreux avantages.
- Elle évite les surconsommations et prévient les carences puisque c’est l’organisme lui-même qui pilote la prise alimentaire. Il nous attire vers ce dont il a besoin et nous dissuade de manger au-delà de ce qui est nécessaire à notre métabolisme.
- Elle transforme les repas en moments de ravissements gastronomiques parce qu’elle repose sur notre inclination naturelle à aller vers le plaisir et à fuir le déplaisir.
- Elle fait de nos après-repas des moments sereins. On sort de table rassasié, avant d’avoir la peau du ventre prête à éclater et on ne ressent pas le besoin de grignoter dans la journée.
- Elle nous épargne le souci de la préparation des repas. Une bonne table se fait simplement par la qualité et le choix de fruits, légumes, produits animaux, miels, oléagineux, fruits de mer, etc. et non par le labeur aux fourneaux.
Encourager la recherche sur l’alimentation crue.
Dans tous les pays développés ou en voie de développement les maladies liées à une mauvaise alimentation : obésité, diabète, maladies cardio-vasculaires, etc. sont en progression constante et touchent des classes d’âge de plus en plus jeunes. Alors que l’espérance de vie n’a cessé d’augmenter depuis près de deux siècles on s’aperçoit aujourd’hui qu’elle pourrait, non pas stagner mais régresser, notamment aux USA où ce phénomène est déjà constaté dans certains états. Il s’expliquerait à la fois par l’augmentation de la morbidité et par la récession économique qui sévit dans ces états. Au-delà des considérations sanitaires, ce sont aussi les modes de production et de distribution de cette alimentation si nocive qui interpellent : gaspillages de nourriture, pollutions des sols et des rivières, menaces sur la biodiversité, bilan carbone désastreux, etc. Le réchauffement climatique, la raréfaction des ressources pétrolières, les menaces sur la biodiversité sont autant de facteurs qui hypothèquent la viabilité de nos économies et en particulier de nos systèmes de santé et de production alimentaire. Le pétrole est l’oxygène de nos sociétés modernes. Dans un monde sans pétrole quelle place pour l’agriculture intensive que nous connaissons aujourd’hui ? Quel avenir pour les OGM qui ne font que prolonger ou tenter de le faire, un modèle agricole insoutenable ? Que deviendront nos systèmes de santé sur-médicalisés et hyper-technologiques ? Les sommes considérables dépensées pour les OGM, la mutagenèse, les biotechnologies ou dans la recherche de médicaments contre les maladies modernes, le sont sans doute en pure perte. Pour préparer le monde de demain qui, pour survivre, devra se libérer de sa dépendance aux énergies fossiles et ménager les ressources naturelles, nous devons trouver des solutions pour nous nourrir sans détruire la planète ni notre santé. De telles solutions préventives existent, que ce soit dans le domaine de l’agriculture ou de la santé. Elles mériteraient qu’on y consacre beaucoup plus de moyens et surtout des efforts de recherche conséquents pour se développer. Faudra-t-il que nos sociétés aient le couteau sous la gorge pour qu’elles se décident à abandonner la fuite en avant vers le monde d’hier et à investir massivement dans celui qui nous attend demain matin ?
Si vous pouviez citer vos sources ce serait encore meilleur
RépondreSupprimerMerci pour ce papier en tout cas
Charles
Grand merci, Eric pour tes écrits, je m'applique à les rediffuser, et j'en ai très souvent l'opportunité....Depuis plus de vingt ans aussi je prêche cette vérité de "manger vrai" , mais quelles désillusions souvent, car le combat( du bon sens devant la bêtise humaine) est bien inégal; tu as le mérite de relancer la machine et avec de bons arguments....
RépondreSupprimerCordialement
Jean-Yves
Bonjour,
RépondreSupprimerLa leucocytose digestive serait un argument extrêmement fort en faveur du "manger cru". Malheureusement, il semblerait que les travaux des rares scientifiques qui se sont intéressés à ce phénomène ne soient pas reconnus.
Dans l'article sur le crudivorisme de Wikipedia, voilà ce qui est écrit sur l'expérience de Kouchakoff sur la leucocytose digestive:
"Cette étude n'a pas été reproduite depuis, ce qui laisse à penser qu'elle est soit erronée, soit suffisamment anodine pour être ignorée."
J'aime assez la façon dont la personne qui a écrit cela, se débarrasse du problème !
Celui-ci n'a rien d'anodin à mon sens, étant même plutôt un phénomène extrêmement instructif, puisqu'il indique de quelle façon notre corps accueille des aliments cuits: par une réaction défensive. Ce qui en dit long sur la nature des aliments cuits.
Il est intéressant de voir ce que dit cette personne:
Si nos scientifiques ne s'y intéressent pas, c'est que:
- soit c'est faux.
- soit c'est pas important.
Il faut avoir une bonne dose de confiance dans la communauté scientifique pour pouvoir dire cela !
Peut-être cette personne ne connaît-elle pas le milieu scientifique ?
Ma compagne travaillait au CNRS, et j'ai pu avoir une petite idée de comment cela fonctionne: bureaucratie, compétition aveugle, clanisme, exclusion de ceux qui ne font pas partie d'un clan, recherche des financements, assurer son poste, combattre les concurrents, envie de devenir célèbre, publier à tout prix pour survivre, peur de perdre son emploi, peur d'être évincé, désir de pouvoir ...
Les scientifiques sont simplement des êtres humains, et ne sont guère en mesure de sortir des sentiers battus.
Le système social de production scientifique n'est carrément pas sain ! Il ne permet pas réellement une production de connaissances qui soient objective.
Mais pour en revenir à nos moutons, il reste le problème suivant: existe-t-il des "preuves" agrées par le système scientifique actuel concernant la leucocytose digestives ?
Pour l'instant, je n'en ai jamais rencontrées.
Eric R.
Dernier détail:
RépondreSupprimerVirchow, qui a découvert le phénomène de leucocytose digestive, fait l'objet d'un article dans Wikipedia.
Dans cet article, cette découverte n'est pas mentionnée.
La salade verte ou les légumes et fruits ne contiennent pas de vitamine D...
RépondreSupprimerD'où sortez vous donc une telle ânerie?
Vous avez raison, la vitamine D se trouve dans les poissons gras comme le hareng, le maquereau, le saumon. C'est le foie de morue qui en contient le plus.
RépondreSupprimerMerci de m'avoir signalé cette coquille. J'ai retiré le passage concerné.