Les rayons des magasins sont pleins de produits alimentaires, souvent très artificiels dont on ne comprend pas toujours la composition, dont on ne sait pas d’où viennent les ingrédients ni comment ceux-ci ont été produits et quel impact a eu leur production sur l’environnement. Ainsi apprend-on, à l’occasion d’un reportage télévisuel, que les fraises ou les tomates bon marché que l’on consomme en toute bonne conscience depuis des années proviennent d’immenses exploitations maraîchères en Espagne qui utilisent une main d’œuvre nord-africaine exploitée et dont l’impact environnemental est désastreux, notamment sur les nappes phréatiques. Des articles dans la presse nous alertent tantôt sur l’utilisation de pesticides interdits en France dans les cultures bananières des Antilles, tantôt sur le sort des ouvriers agricoles victimes des produits chimiques qu’ils épandent dans champs, tantôt sur le recours aux antibiotiques pour engraisser les bêtes de boucherie. On sollicite nos signatures pour des pétitions contre l’abattage des forêts primaires transformées en prairies pour le bétail destiné à confectionner les hamburgers de nos fast-food, ou contre les pollutions générées par les fermes d’aquacultures et la surpêche qu’elles occasionne pour nourrir leur élevages ou encore contre les conditions de vie des porcs ou des volailles élevées en batterie. La liste est longue de ces pratiques de l’agrobusiness dictées par l’exigence économique, dont on ne mesure l’impact écologique qu’avec retard et dont on ignore généralement l’impact sur notre organisme des aliments qui en sont issus.
Les produits frais, les fruits et légumes, beaux sur l’étalage, parfois bien décevants au goût, contiennent, outre les résidus de produits chimiques, de moins en moins de vitamines et d’oligoéléments. Quand aux produits transformés, conserves, plats préparés, lyophilisés, surgelés, etc., largement majoritaires dans les rayons, outre qu’ils sont souvent trop gras, trop sucrés, trop salés, ils contiennent en grande quantité des toxiques issus de réactions chimiques provoquées par les cuissons, pasteurisation, mélanges, etc. Ainsi, par exemple, l’acrylamide, un neurotoxique que l’on retrouve en quantité substantielle dans les pains, biscottes, chips, frites, biscuits, gâteaux apéritifs, etc. A cela s’ajoute les conservateurs, exhausteurs de goût, colorants et autres additifs alimentaires dont l’innocuité n’est pas toujours garantie.
Des impacts sur la santé largement sous-estimés
Des annonces récentes et rassurantes faites à propos de l’augmentation attendue de l’espérance de vie donneront peut-être à penser que cette alimentation industrielle ne serait pas si toxique. On vit plus longtemps et en meilleure santé entend-on dans les médias. Mais personne ne met en garde sur la fragilité de cet acquis gagné essentiellement par de la technologie médicale, certes réparatrice, mais coûteuse et dont on oublie qu’elle est aussi énergétivore, polluante et consommatrice de ressources naturelles. Si elle en masque encore les effets sur l’espérance de vie, elle n’empêche pas la progression constante et soutenue des maladies dont un grand nombre ont des liens avérés avec l’alimentation, comme par exemple les maladies cardiovasculaires, l’obésité, le diabète, certains cancers, certaines maladies chroniques ou allergiques. Selon l’ancien président Bill Clinton dont la fondation œuvre pour la protection de l’enfance, du fait de l’obésité infantile, la plus jeune génération américaine pourrait être la première de l’histoire à avoir une espérance de vie plus faible que celle de ses parents. Le diabète à lui seul englouti chaque année aux Etats-Unis une somme supérieure à ce qu’ont coûté les programmes spatiaux depuis cinquante ans qu’ils existent. En France plus de 12 millions de personnes sont soignées pour des affections de longue durée. En 2010 la CNAM n’en comptait que 8 million ! On reparlera encore du trou de la sécu.
Des solutions existent
S’il est vrai que l’impact des activités humaines est très largement négatif sur l’ensemble de la planète, cela ne signifie pas pour autant qu’il s’agit là d’une fatalité, d’un atavisme anthropique indépassable. Il existe des méthodes de cultures qui ont un impact positif sur l’environnement en ce sens qu’elles restaurent les sols, améliorent leur fertilité d’année en année, favorisent la biodiversité, rétablissent les équilibres écologiques, tout en étant spectaculairement productives. Certaines de ces techniques sont séculaires, voire millénaires, d’autres sont plus récentes : Pour la restauration des sols, la technique canadienne du bois raméal fragmenté, le BRF, est particulièrement performante. Les techniques de paillages, plus anciennes, sont très efficaces pour l’entretien des sols. On peut aussi citer des méthodes de cultures biologiques plus complexes comme la permaculture qui a pour objectif d’obtenir le maximum de la nature avec le minimum d’intervention humaine, ou l’agriculture biologique holistique mise au point par l’Institut de Recherche en Agriculture Biologique Européenne (IRABE). Les recherches menées par le Laboratoire d’Analyse Microbiologique des Sols (LAMS) de Claude et Lydia Bourguignon, les conservatoires de plantes tels que la ferme saint Marthe ou Kokopelli, sont autant de connaissances et de savoir-faire accumulés ces trente dernières années (voire parfois plus) qui permettent de maximiser la valorisation des milieux naturels tout en maintenant leur productivité. Et ce qui est remarquable avec ces méthodes, c’est qu’elles permettent d’obtenir une très grande variété de produits végétaux et animaux d’une très haute valeur nutritive, tout améliorant considérablement la biodiversité. Mais ces bonnes pratiques agricoles qui impliquent une organisation et des savoir-faire très éloignés des canons du productivisme, ont du mal à se développer. Généralement moins mécanisables, elles requièrent souvent plus de main-d’oeuvre, notamment lors des récoltes. Face à l’agriculture conventionnelle qui ne répercute pas le coût des atteintes qu’elle porte à l’environnement, leur rentabilité est d’autant plus mal assurée que le surcoût à la production qui en découle n’est pas compensé par une différentiation des produits sur le marché.
Que vaut le label BIO ?
Certes il existe les labels BIO et AB qui garantissent au consommateur des usages agricoles plus conforme aux exigences environnementales, mais sont-ils suffisant ? De plus en plus souvent on trouve sous ces labels des produits frais aussi médiocres que ceux de la grande distribution. Des fruits sans saveur, qui passent directement de l’état pas mûr à celui de pourri. En effet la garantie BIO ne porte que sur la non utilisation de produits chimiques de synthèse. Si cette condition est nécessaire, elle est loin d’être suffisante pour garantir à la fois une qualité nutritive optimale et un impact environnemental positif. Le succès grandissant du BIO auprès des consommateurs aiguise les appétits. Les contraintes du cahier des charges sont contournées. Les méthodes et les dérives de l’agriculture conventionnelle comme la monoculture extensive ou la surexploitation de la ressource en eau sont de plus en plus souvent appliquées à l’agriculture. Les produits chimiques interdits sont remplacés par des intrants labellisés BIO ou des produits chimiques tolérés comme par exemple le sulfate de cuivre. Outre que ces pratiques discréditent le BIO, elles marginalisent la production de qualité. La garantie BIO peut-elle évoluer dans le sens d’une meilleure qualité ? Ce n’est pas certain. Peut-être faudra-t-il qu’émerge un nouveau label ? Un label qui aurait la particularité d’associer deux exigences fondamentales : la valeur nutritionnelle et l’impact sur l’environnement.
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